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caractère germanique. C’est la même préoccupation de suivre plusieurs desseins, c’est la même avidité à recueillir à la fois les avantages de politiques contraires, c’est le même art de mêler la protection du chrétien à l’alliance de l’infidèle, c’est le même besoin d’imposer par la majesté des titres, des attitudes, des pompes, par toutes les vanités les plus vaines de la puissance.

Héroïque et modeste Godefroy de Bouillon, quand tu outras à Jérusalem, la brèche n’avait pas été ouverte, pour te rendre l’accès plus facile, par des Musulmans : de ta tour de bois tu sautas sur le rempart et, jusqu’au Saint-Sépulcre, tu te fis un passage avec ton épée. Tu n’avais pas seulement obtenu, pour y planter ton étendard, un arpent de terrain aux portes de Jérusalem : Jérusalem, la Palestine et la Syrie tout entières t’appartenaient du droit de tes combats. Pourtant on ne te vit pas transformer ta victoire en triomphe, t’arrêter à bonne portée de la ville pour y revêtir un costume d’apparat, accroître par une majesté de théâtre la gloire de tes actes. À la place où le Sauveur avait accompli les siens, tu vins adorer pieds nus, tu refusas de porter une couronne où il avait porté la couronne d’épines, tu vouas ta vie entière à la défense du Saint-Sépulcre, tu ne demandas d’autre honneur que de continuer jusque dans la mort, enseveli près de ce tombeau, ta garde fidèle. Ah ! qu’il y a plusieurs sortes de grandeurs !


Ce qui reste.

Rare ou vulgaire, naturel ou forcé, évocateur d’émotions, ou digne de sourires, tout ce qui était spectacle, forme, mouvement est fini. De ces choses passagères et mortes, il ne reste plus que l’âme. Le voyage impérial a révélé et servi plusieurs desseins dont il faut définir l’objet, mesurer l’étendue et prévoir les chances.

De ces desseins, Guillaume II a ouvertement annoncé l’un. Il a dit sa volonté de protéger seul, hors de ses frontières, les œuvres catholiques de l’Allemagne.

Des services bien des fois séculaires, des traités formels, une possession constante avaient acquis en Orient, à la France, le protectorat sur le clergé catholique de toute race, de tout rite, et sur les établissemens fondés et soutenus par les sectes catholiques. Après la guerre de 1870, sous prétexte que les rancunes de la défaite disposeraient mal la France à prêter nulle part un concours