vois l’Impératrice, perdue dans ce groupe de guerriers, absorbée dans les rayons de son époux. Comme lui, vêtue de blanc, mais aussi simple qu’il est magnifique, elle a sur la tête un chapeau canotier de mortelle, et son rang ne se révèle qu’au grand cordon jaune passé de son épaule au bas de sa taille fine. Bornant sa part de puissance aux besognes aimables, elle accepte des fleurs que lui offre une petite fille et les paie d’une caresse. L’Empereur accomplit un plus important devoir. Un personnage de la Cour est, brodé d’or, sur le seuil du Temple, et tient de ses deux mains un coussin vert sur lequel repose une clef. Durant quelques minutes, il adresse au souverain des paroles superflues, car ses petits gestes saccadés qui portent sans cesse en avant le coussin, offrent, par la langue universelle des signes, la clef à l’Empereur. Celui-ci pourtant ne la prend pas. Mais quand l’orateur cesse enfin de la tendre et se tait comme découragé de l’effort inutile, l’Empereur saisit sur le velours vert cette clef qui a cessé de s’offrir, l’élève en l’air, l’y tient un instant suspendue, puis d’un geste impérieux qui s’abat et briserait toute résistance, il remet la clef aux mains d’un autre personnage brodé d’argent. Après quoi il pénètre dans le Temple, et, après lui, toute la suite Et quiconque remarquera qu’il eût été plus simple de remettre sans cette ostentation d’autorité la clef à un courtisan tout prêt à la prendre, et plus facile encore d’entrer sans cette clef par la porte grande ouverte, se déclarerait à tout jamais inapte à comprendre la beauté des symboles et l’efficacité des gestes inutiles, quand il s’agit de frapper l’imagination des peuples.
Du cortège impérial il ne reste plus sur le parvis que deux hommes, deux géans, les porte-étendards du souverain. Partout où il se produit en public, ils marchent sur ses pas, chacun des deux tenant une lance en haut de laquelle flotte un guidon : pareils de forme et de dessin, les deux guidons portent, l’un sur fond jaune, l’autre sur fond rouge, l’aigle et la croix noires. Ces emblèmes de la souveraineté n’accompagnent pas dans le Temple l’Empereur. En les abandonnant sur le seuil de l’Église, il entend dire que devant Dieu, devant Dieu seul, il ne se reconnaît pas le maître. Immobiles contre les montans du portail, et appuyés sur leurs lances, les deux géans attendent la fin de l’interrègne.
Il s’est prolongé plus d’une heure. Dans le Temple, la cérémonie a été froide comme le culte luthérien, froide comme une