rattacher aux traditions d’un passé glorieux la solennité de ce jour, et ils attendent leur grand maître, l’Empereur.
Le voici ! Turcs et marins portent les armes, tout se fait silence ; la grille s’ouvre toute grande ; de la voûte sombre un cortège resplendit tout à coup dans l’éclat du soleil et vient à nous. C’est une troupe une et diverse, troupe de chefs où chaque homme est un officier : ces officiers, choisis parmi les plus beaux types de la race allemande, appartiennent à toutes les armes, et représentent, par leur variété même, la puissance collective de la nation. Leurs rangs serrés forment une masse compacte, confuse et éclatante où les couleurs, l’acier, l’argent et l’or se mêlent et chatoient d’une splendeur solide et guerrière. Dans l’étroit espace où elle s’avance et qu’elle remplit, au sortir de cette voûte noire comme une gueule de four, elle semble une coulée où ruissellerait en fusion le métal de Corinthe. Entouré et comme porté par ce mouvement, l’Empereur, sur ce fond lumineux, resplendit plus lumineux encore, en son blanc costume de cuirassier. Sa poitrine, dans son corset d’argent, reçoit et renvoie les rayons du soleil, son casque d’argent porte l’aigle aux ailes étendues, et la petite couronne de l’oiseau héraldique met un éclair d’or dans cette blancheur. Ce costume, le plus magnifique peut-être qu’il y ait dans aucune armée, n’a pas suffi à Guillaume. Il a voulu en transfigurer la beauté trop connue. Non seulement, comme avant-hier un voile, enroulé sur le bas du casque, accompagne son visage et tombe sur ses épaules, mais un burnous de Damas, léger comme la soie blanche et brillant comme l’or dont il est tissé, semble prolonger le voile jusqu’aux pieds du souverain, cache le bas du corps par des plis que soutient la main impériale, et met autour du maître un nimbe de moires diaphanes. Une fois de plus, et mieux que jamais, apparaît le symbolisme de cet art, et, dans ce goût contradictoire de paraître et de se défendre contre les regards, une idée subtile et un sens ingénieux du pouvoir. Au milieu d’officiers aux corps nettement visibles sous l’uniforme, parmi cette vigueur opulente de formes un peu lourdes que l’œil mesure et pèse, lui seul se dérobe à travers des transparences de nuage, et marque la différence entre sa personne et toutes les autres. Eux sont des serviteurs de chair, de la matière à obéissance : lui est le principe mystérieux et immatériel de l’autorité.
Il est arrivé devant le portail, s’arrête, et alors seulement, je