pourtant en quantité plus que suffisante pour atteindre le but poursuivi. Nul ne peut contester que la majorité n’appartienne au gouvernement, car, si elle n’a pas pu agir, elle a pu du moins se compter. Mais soit qu’une lutte longue et violente ait fatigué une partie des députés jusqu’ici les plus fidèles, soit que des intrigues habiles aient affaibli leur, cohésion, soit que des scrupules sincères aient troublé la conscience de quelques-uns et y aient jeté des doutes sur le caractère constitutionnel de la mesure, en même temps que les listes de M. Tisza se couvraient de signatures, la désertion se mettait dans les rangs ministériels. L’exemple est même venu d’un membre du gouvernement, M. le baron Jossipovitch, ministre pour la Croatie, qui a donné sa démission par une lettre motivée. Cet exemple a été suivi aussitôt par le président de la Chambre, M. Szilagyi, puis par un des deux vice-présidens, M. Lang : l’autre, M. Kardos, n’a pas reparu depuis assez longtemps déjà, et il est aussi considéré comme démissionnaire. On en est réduit pour le moment à faire présider les séances par le président d’âge. En même temps, plusieurs des membres les plus importans de la majorité, tels que MM. Andrassy, Koloman Szell, etc., s’en sont séparés avec un certain éclat.
Alors, M. le baron Banffy a laissé lui-même échapper des signes de lassitude, et il a parlé de se démettre de ses fonctions. Peut-être en viendra-t-on là ; peut-être le Roi se séparera-t-il d’un homme qui a pourtant toute sa confiance ; mais ce sera un déplorable précédent ajouté à quelques autres. Que devient l’autorité parlementaire, si un ministre qui a la majorité est néanmoins obligé de se retirer devant les violences de la minorité, s’il n’est pas soutenu, s’il est sacrifié ? Mais il faut bien avouer aussi que cette même autorité parlementaire reçoit une atteinte d’un autre genre, et non moins grave, si la majorité ne peut s’exprimer qu’en dehors du parlement et sans débat contradictoire. C’est le spectacle qu’offre la Hongrie. Les télégrammes qui viennent de Pest ne parlent plus que de duels entre députés : on entend des coups de pistolet et comme un cliquetis d’épées. Singulière façon de comprendre et de pratiquer le parlementarisme ! Et tout cela serait peu de chose si, sous cette surface agitée, ne grondaient pas des passions intransigeantes, qui semblent devoir aboutir à la dislocation de la monarchie, au moins sous sa forme actuelle. Comment n’être pas étonné de voir les Hongrois, qui ont retiré tant d’avantages du dualisme, lui porter des coups dont il aura bien de la peine à se relever ? On se demande quel but ils poursuivent, et on a de la peine à y distinguer leur véritable intérêt. Mais, dès maintenant, il est certain que,