dignité extérieure qui aurait pu couvrir quelques-uns de ses défauts. Peu à peu l’opinion se détache d’elle, parce qu’elle n’en attend rien ; mais, après tant de déceptions de tous les genres, elle ne sait plus à quoi, ni à qui s’attacher. Il en résulte une situation dès maintenant grave, et qui pourrait le devenir davantage si nous nous trouvions subitement en présence de hautes responsabilités à assumer, soit dans la politique intérieure, soit dans la politique étrangère. L’état général de nos affaires exigerait un gouvernement très actif, très vigilant, capable de prévoir les événemens et de s’y préparer, au lieu de se laisser surprendre et déconcerter par eux, enfin un gouvernement qui aurait quelque stabilité et qui pourrait, au moins dans une certaine mesure, compter sur l’avenir. Ce n’est malheureusement pas là le portrait du gouvernement actuel. Si le mal dure et s’aggrave, il deviendra bientôt intolérable. Tomberons-nous alors entre les mains des médecins, ou des empiriques et des charlatans ? Les premiers eux-mêmes ne sont pas sans danger, lorsqu’ils appliquent au malade des remèdes qu’il ne peut pas supporter. Mais puisque nous sommes dans la saison des vœux et des souhaits, nous formons celui de voir la nature opérer elle-même la guérison : on nous dira peut-être que c’est demander un miracle.
Le mal d’autrui ne soulage pas le nôtre ; sinon, il suffirait de regarder du côté de l’Autriche-Hongrie. Nous y verrions le parlementarisme traverser une crise encore plus redoutable que chez nous. Ici, en effet, l’impuissance n’est pas volontaire, et si nos Chambres ne font rien, c’est qu’elles ne peuvent faire davantage. Elles ne le font pas exprès. Sur les bords du Danube, au contraire, l’impuissance du parlementarisme est le résultat de l’obstruction organisée, tantôt habilement, tantôt brutalement, par les partis d’opposition. En France, la machine tourne dans le vide ; en Autriche et en Hongrie, elle est systématiquement faussée. Nous sommes pleins de bonne volonté ; malheureusement nous ne savons pas nous y prendre pour la rendre efficace et féconde : à Vienne et à Pest, on est plein de mauvaise volonté, et on trouve sans peine le moyen d’annihiler par une opposition sans scrupules tous les efforts que fait le gouvernement pour assurer au pays le fonctionnement normal de ses institutions. Nos ministres sont presque heureux, comparés aux ministres autrichiens et hongrois. On se demande comment le comte Thun et le baron Banffy peuvent résister, même physiquement, à la vie qui leur est imposée. Il est vrai qu’ils ont un point d’appui en dehors des Chambres, et qu’ils peuvent se maintenir aussi longtemps qu’ils jouissent de la confiance de l’Empereur-roi ; mais