Allemagne la démocratie sociale, son avenir est encore incertain ; c’est une question de savoir si elle parviendra à s’adapter au tempérament germanique. L’Allemand est un être compliqué, que se disputent, que se partagent des affections et des instincts contraires. Le collectivisme considère le genre humain comme un troupeau, et il promet aux moutons de les élever, de les engraisser, pourvu qu’ils se laissent parquer ; l’Allemand a l’humeur moutonnière ; mais il n’aime pas qu’on le contrôle et il ne peut souffrir qu’on le parque. La démocratie sociale prêche l’égalité absolue et le nivellement universel ; l’Allemand se défie des solutions trop simples, et son bon sens s’accommode facilement de certaines inégalités ; il est plus souvent jaloux de ses égaux qu’envieux de la bonne fortune de ses supérieurs. La démocratie sociale apprend aux hommes à se mettre en tas ; l’Allemand a le génie de l’association ; mais, selon le mot de M. de Bismarck, il donne la préférence aux groupemens étroits ; il s’y sent plus à l’aise, et il n’est heureux que lorsqu’il peut mettre les coudes sur la table. L’Allemand s’est passionné pour l’unité politique de l’Allemagne ; mais l’Allemand est un unitaire centrifuge. Comme M. Ziegler, il est à la fois socialiste et individualiste ; comme M. Ziegler, il respecte beaucoup la logique, mais il ne sent pas le besoin de l’appliquer à la conduite de sa vie ; il ne met pas son honneur à être toujours d’accord avec lui-même ; il prend son parti des cotes mal taillées.
Parmi les professeurs et les intellectuels de la seconde moitié de ce siècle, les uns ont fait à la démocratie sociale des concessions importantes et de flatteuses avances ; ils espéraient qu’elle leur en saurait gré, ils ont pu s’apercevoir qu’il n’y a jamais de retour avec elle. D’autres se sont déclarés ouvertement contre les égalitaires et les niveleurs. Un historien célèbre, M. de Treitschke, écrivait, il y a vingt-cinq ans, que l’égalité des conditions est la plus folle des chimères, qu’un peuple ne peut se passer d’une classe privilégiée qui conseille, dirige et gouverne, qu’en vertu d’une loi immuable, quelques peines qu’on se donne pour éclairer et élever les masses, il y aura toujours dans nos sociétés une multitude de barbares et un très petit nombre de civilisés, que les civilisés sont faits pour commander et pour jouir, et les barbares pour travailler à la sueur de leur front, sans convoiter des biens dont ils ne peuvent sentir le prix. — « La politique, l’Église, l’école, tout va chez nous de mal en pis, écrivait plus récemment M. de Lagarde ; depuis que nos gouvernemens sont en souci d’élever et d’instruire les incultes, tout le reste est négligé ; qu’ils s’obstinent à suivre cette voie fatale, et c’en est fait de la culture allemande. » On ne peut