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L’ALLEMAGNE DE LA FIN DE CE SIÈCLE
D’APRÈS UN PROFESSEUR ALLEMAND

Un professeur à l’université de Strasbourg, M. Théobald Ziegler, a résumé dans un volume de sept cents pages l’histoire de la pensée et de la politique allemandes pendant le siècle qui va finir, il en a dressé le bilan[1]. « Les fins de siècle, nous dit-il, sont des époques propices aux examens de conscience, et il est bon que les peuples rentrent quelquefois en eux-mêmes, qu’ils se rendent un compte exact de leurs pertes et de leurs bénéfices, qu’ils se mettent en règle avec le passé et avec l’avenir, qu’ils se souviennent et qu’ils prévoient. » Quelle gloire ou quelle misère les attend ? Les cloches leur annoncent-elles un jour de fête et de réjouissance, ou les sorciers tiendront-ils demain leur sabbat ? Il faut se défier des apparences. Rouge au soir, blanc au matin, dit le proverbe, c’est la journée du pèlerin. Mais il est des soirs rouges qui ne promettent rien de bon et des matinées blanches qui préparent des averses. Tâchons de savoir exactement ce que nous devons craindre et ce qu’il nous est permis d’espérer, d’où nous venons, où nous allons, et si les pluies n’ont pas rompu, les chemins.

Il semble que les Allemands doivent avoir plus de plaisir que nous à examiner leur conscience, à se souvenir et à prévoir. Le siècle qui finit leur a prodigué ses faveurs : l’Allemagne est aujourd’hui un grand et puissant empire, et la richesse lui est venue avec la gloire, Que manque-t-il encore à son bonheur ? Cependant, M. Ziegler ne crie point hosanna, il a le triomphe modeste. Chaud patriote, personne n’est plus fier que lui des victoires allemandes, personne ne professe

  1. Die geistigen und socialen Strömungen des neunzehnten Iahrhunderts, von Dr Théobald Ziegler. Berlin, 1899. Georg Bondi.