suivante : le cerveau serait frappé le premier, puis la moelle épinière ; puis le bulbe ; plus tard les cordons nerveux moteurs (avant la moelle, suivant une autre opinion), enfin les nerfs sensitifs, et les terminaisons nerveuses en tout dernier lieu.
Or, cet ordre est précisément le même qui correspond à l’action des agens anesthésians, tels que le chloroforme et l’éther. Et c’est déjà une forte raison de considérer la cocaïne, non pas comme un curare sensitif, mais comme un poison voisin des anesthésiques généraux.
Un examen comparatif confirme cette vue nouvelle du rôle et de la place de la cocaïne. Les anesthésiques généraux présentent, en effet, deux caractères essentiels que l’on va retrouver ici : c’est à savoir l’universalité de leur action et son caractère temporaire, sa caducité. Cl. Bernard a bien montré que ces traits étaient nécessaires et suffisans à les définir.
Le chloroforme et l’éther agissent sur tous les élémens anatomiques, animaux ou végétaux, depuis la cellule cérébrale, jusqu’à la cellule de la levure de bière et des microbes ; sur toutes les activités physiologiques et réellement vitales, depuis la sensibilité consciente jusqu’à la germination. Le caractère de cette action est de n’être que suspensive : ce n’est point une abolition définitive, irréparable. L’éther et le chloroforme interrompent les phénomènes vitaux pour un moment ; l’agent écarté, ceux-ci reprennent leur cours.
Or, la cocaïne exerce, elle aussi, une action universelle sur la matière vivante. Le fait avait été contesté au début. Une étude plus attentive, due à MM. A. Charpentier, Mosso, Albertoni, et quelques autres observateurs, a mis définitivement en lumière sa réalité en même temps que son caractère de caducité.
Il résulte de cet ensemble de travaux que la cocaïne présente, avec une netteté sans doute moins grande que le chloroforme et l’éther, mais cependant suffisante, les attributs des véritables anesthésiques. Elle doit être classée dans la même famille, à quelque distance au-dessous d’eux, mais au-dessus d’autres poisons, tels que la strychnine ou l’atropine, dont on a reconnu quelques traits dans le tableau que nous avons donné de ses effets.
Tout cela peut se résumer en une brève formule : « La cocaïne est un anesthésique à action dilatée ; c’est un anesthésique général que la chirurgie ne peut utiliser à l’anesthésie générale. »