C’est précisément à propos de l’action nerveuse, c’est-à-dire de l’action fondamentale de la cocaïne, que les physiologistes se sont divisés. Le désaccord a porté, à la fois, sur des questions de fait et sur des questions de doctrine. Il a abouti à deux conceptions différentes du rôle physiologique de la cocaïne : l’une qui l’assimile à un curare sensitif, l’autre qui l’assimile à un anesthésique général. Le litige est surtout relatif à l’insensibilisation ou analgésie cocaïnique, à sa réalité, à son degré, au mécanisme de sa production.
Il y a deux manières d’administrer la cocaïne en vue de supprimer la sensibilité. On peut l’injecter dans les veines en se confiant au sang pour le soin de l’amener au contact des divers tissus. Ce procédé est loin d’être le plus efficace, puisque nous avons dit tout à l’heure qu’il ne réussissait avec certitude que chez les animaux peu impressionnables, et que chez l’homme il produisait souvent une exaltation de la sensibilité. Le second procédé, qui réussit chez tous les animaux et toujours, consiste à amener la cocaïne par application locale et directe au contact des différens tissus.
Or il est précisément très remarquable que ce soit l’application locale qui provoque à coup sûr l’insensibilisation. C’est ainsi, comme nous l’avons vu, qu’on procède en chirurgie oculaire pour insensibiliser l’œil. Et de même, quand on veut insensibiliser l’oreille, les fosses nasales, les diverses muqueuses, la peau et les tissus les plus divers, il suffit de les imbiber de la solution de cocaïne, d’établir, en un mot un contact direct. Si l’on se borne à introduire la substance par l’intérieur, quelque quantité que l’on emploie, on ne réussira pas à analgésier ces muqueuses, ces organes divers. On pourra tuer l’animal, on ne l’insensibilisera que très imparfaitement ou pas du tout, et peut-être même exaltera-t-on sa sensibilité.
Il y a là une sorte de paradoxe physiologique. Voici un organe, l’œil par exemple ; il peut recevoir la cocaïne par deux voies, par le dehors en application directe, ou par le dedans mélangée au sang. Or, dans le premier cas il y a paralysie de la sensibilité, dans l’autre il n’y a rien. M. Arloing a donné en quelque sorte une forme tangible à ce paradoxe par l’expérience suivante : on injecte à un