comprend pas, il ne permet pas qu’un citoyen trouble l’ordre vénérable de la corporation, de la paroisse, des arts et de la cité, en sortant, par orgueil ou simonie, du cadre étroit où sa naissance l’enfermait. À l’occasion d’un vieil usurier, scandaleusement riche, goutteux et méprisable, que l’empereur Charles de Bohême a créé chevalier, il s’écrie : « Je vois aujourd’hui la chevalerie traînée aux écuries et aux porcheries. On fait chevaliers des artisans, des mécaniciens, des ribauds et des filous. Est-ce une belle chose qu’un juge, pour devenir podestat, se fasse chevalier ? Je ne dis pas que la science ne convienne point au chevalier, mais que ce soit une science royale, pure de tout profit, qui se passe de consultations légales derrière un pupitre ou de plaidoiries à la barre des magistrats. Voici que les notaires prennent la chevalerie et changent leur écritoire en gaine dorée pour leur dague. Malheureuse noblesse, quelle chute profonde est la tienne ! Si cette chevalerie est valable, pourquoi ne pas la conférer aussi à un bœuf, à un âne, à n’importe quelle bête ? » Sacchetti s’indigne pareillement qu’un simple rustre reçoive la prêtrise. Il conte l’histoire d’un jeune jardinier, « qui ne savait point lire et n’avait point de grammaire, uno porcile, » et que son maître, messer Ubaldino, fit ordonner par l’évêque. Puis il en fit son propre curé. « Le monde est plein de ces prêtres-là ; ils chantent la messe et n’en comprennent point une seule parole ; on leur donne souvent deux ou trois paroisses à la fois. Et c’est en ces mains indignes que tombe Notre-Seigneur ! »
Demeurer en sa condition d’origine, ne jamais se détacher de sa fonction sociale, cette vertu n’est point sans inconvéniens pour la cité comme pour l’individu. Sacchetti n’aime ni la guerre ni les gens de guerre. Il appartient au parti de la paix à tout prix. Deux bons franciscains rencontrent l’Aguto et lui disent : « Monseigneur, que Dieu vous donne la paix ! — Vous voulez donc, répond le condottiere, que je meure de faim ? Moi, je vis de la guerre, et la paix serait ma mort. »
C’est un grand malheur pour l’Italie, remarque le conteur, que ses villes, au lieu de vivre en paix, soient possédées par la fureur de la guerre et s’agrandissent par la violence au détriment de leurs voisines. « En elle, il n’y a plus ni amour, ni bonne foi. Il vaut mieux, pour une cité libre, recevoir l’humiliation de deux ou trois insultes que de se décider à la guerre » et se livrer à la fourberie des hommes qui exercent le métier des armes.