luminaires et d’images de cire que Notre-Seigneur lui-même. Et l’on abandonne ainsi la vieille voie pour la nouvelle, par la faute des religieux qui découvrent un corps enterré dans leur église, lui prêtent des miracles et le mettent en tableaux pour attirer non pas de l’eau à leur moulin, mais de la cire et de l’argent. C’est ailleurs qu’est la foi véritable. »
Deux exemples édifians de paganisme italien éclairent ce très sage jugement. Un bourgeois de Florence, nommé podestat à Borgo San Lorenzo, recommande à sa femme de ne point toucher, pendant son absence, à une barrique « de vin très fin et vermeil. » La dame, trop compatissante, laisse boire peu à peu la précieuse liqueur à son confesseur, un moine de santé délicate, dont l’estomac exigeait un vin généreux. Mais, conseillée par le saint homme, elle fait vœu d’offrir un tonnelet de cire si le mari perd le souvenir de son bon vin. Le podestat n’en parla jamais plus et Notre-Dame eut son ex-voto. « J’ai vu mieux encore, ajoute Sacchetti : une femme qui, ayant perdu sa chatte, promit à Notre-Dame de l’Orto San Michèle une chatte de cire, si elle retrouvait la bête. » Anecdotes de sacristie, réflexions de marguillier raisonnable, qui ne sont point à dédaigner. C’est par cette vague échappée que Sacchetti entrevoit la crise théologique traversée, depuis l’époque d’Arnauld de Brescia, par l’Église italienne, le séculaire conflit de la foi et des œuvres, institué par saint Paul à l’origine même du christianisme.
Notre conteur portait en lui une doctrine de sagesse conforme aux traditions morales de la bonne bourgeoisie florentine et qu’affermissait l’expérience personnelle due aux misères de ce temps. Cette doctrine est dépourvue d’héroïsme et la sagesse en est gâtée par une notable dose de prudence timide. Sacchetti était évidemment de ces philosophes dont parle Platon, à qui le vent et l’orage déplaisent et qui attendent, « à l’abri d’un petit mur, » que la pluie cesse de tomber.
Le siècle où la destinée l’a fait vivre lui semble mauvais. La peste et la guerre ont ruiné les particuliers comme les cités. Les hommes se sont pervertis. Il se compare, en son prologue, avec une complaisance naïve, à Dante lui-même, « qui parlait en son nom propre quand il voulait exalter les vertus d’autrui et passait la parole aux morts dès qu’il avait à flétrir quelque infamie. » La