deux heures. » Mais Sacchetti n’entendait point plaisanter avec cette petite histoire. « Alberto fut bien heureux de n’être point riche, car l’inquisiteur lui eût fait comprendre qu’il pouvait, à prix d’or, se racheter du bûcher ou de la torture. »
Au moins tous ces personnages, les violens et les bouffons, qui déshonorent leur ministère, ne sont-ils point des hypocrites. Pour Sacchetti, comme pour Boccace, l’hypocrisie est le plus damnable vice des gens d’Église. C’est en France, il est vrai, que Franco rencontre le plus bel exemplaire de ce péché. Un abbé de Toulouse rêve « de devenir un grand évêque ou quelque très grand prélat. » Il donne, pendant des années, une étrange comédie. Il gémit au sujet des revenus trop riches de son abbaye, se nourrit strictement, invente des quatre-temps et des vigiles pour son usage personnel, fait acheter par l’économe les plus chétifs poissons de la Garonne. La France entière retentit du bruit de sa sainteté. L’évêque de Paris étant mort, il fut désigné, a furore di populo, par acclamation populaire, pour ce grand siège épiscopal. Le Pape confirme l’élection et notre homme feint de se dérober, par humilité pure, au vœu unanime de l’Église. Enfin il accepte la crosse et la mitre. « On allait à lui comme au plus catholique des pasteurs, on lui baisait les mains comme reliques très augustes. » Un jour de maigre, l’intendant gascon, qu’il avait gardé, lui sert des goujons de Seine. Le prélat s’indigne d’un si pauvre dîner, et le serviteur lui rappelle la cuisine abbatiale de Toulouse. « Fou que tu es ! dit l’évêque en souriant ; je pêchais alors aux petits poissons, afin d’en prendre de gros ; maintenant que me voilà dans l’évêché de Paris, a le soin de me servir dorénavant les mets les plus délicats. » Les Parisiens, qui s’étonnaient en ce vieux temps des phénomènes inattendus de la morale, « furent très surpris de cette rapide transformation et répétèrent un proverbe de nous autres Toscans : on ne connaît l’homme qu’à l’usage. »
Toutes les formes de l’idolâtrie, les fausses reliques, les ex-voto enfantins apparaissent dans la satire de Sacchetti. Le conteur n’est pas tendre pour les petits cultes d’invention récente qui altèrent la simple foi traditionnelle des chrétiens. « N’avons-nous pas Notre-Seigneur-Jésus-Christ, sa mère, les apôtres et les autres saints du paradis ? Qu’avons-nous besoin de saint Barduccio ? Trop souvent on oublie les vrais saints pour de faux bienheureux, on les montre en peinture, entourés de plus de