par-dessus le cercueil, un curé et son clerc qui prétendaient être payés de leurs prières funèbres ; le défunt n’était qu’un obscur pèlerin, sans amis ni parens, qui s’était endormi du sommeil éternel au bord d’un sentier. Les deux hommes de l’Église attendront, près de leur paroissien de hasard, le jugement dernier. Sacchetti ne voit, en cet acte sauvage, qu’une œuvre de justice, légèrement féroce. Il est inexorable pour l’avarice des mauvais pasteurs, l’insatiable soif de rapine que Dante avait flétrie chez les simoniaques pontificaux. Avarice sacrilège chez le curé du contado florentin, qui laisse en ruines le toit de son église, où la pluie tombe sur l’autel. Il répond à ses ouailles irritées d’une telle négligence : « Que voulez-vous, bonnes gens, s’il plaît à Dieu d’être trempé par l’eau du ciel ? D’un seul mot, fiat, il a créé le monde ; qu’il dise une parole encore et l’église sera couverte et Dieu ne sera plus à la pluie. » Un jour, comme il portait à un mourant le saint viatique, ce curé aperçut un jeune garçon en train de lui manger les fruits de son figuier : entre le prêtre, « malandrin désespéré, » et le larron s’échangent des propos très vifs. Le premier continue son voyage « tutto gonfiato, » tout gonflé de colère, bien préparé pour le sacrement qu’il allait administrer. Mauvais arbre ne peut donner de bons fruits, ajoute le conteur. « Le monde est plein de ces impies, et le bon Dieu sait bien en quelles mains il est tombé. »
Sacchetti ne se lasse point de dénoncer les vendeurs du Temple, les faussaires de piété, les prêtres de conscience légère, qui recherchent en leurs fonctions saintes de joyeuses distractions. L’évêque inquisiteur de Sienne et son ami Guccio s’amusent de la candeur d’un pauvre d’esprit, Alberto, en qui ils feignent d’avoir découvert l’exécrable hérésie des patarins. « Es-tu cet Alberto qui ne croit ni à Dieu ni aux saints ? — Monseigneur, répond l’autre ; cela n’est pas vrai, car je crois à tout. » Alors l’évêque : « Mais si tu crois à tout, tu crois donc au diable, et cela me suffit pour te brûler comme patarin. Sais-tu seulement le Pater noster ? — Oui, messire. — Eh bien ! récite-le. » Mais le prétendu hérétique, bouleversé par la peur du bûcher, balbutie, perd le fil de l’oraison, ne peut sortir du da nobis hodie. « Tu vois bien, s’écrie l’inquisiteur ; les hérétiques ne peuvent réciter les paroles sacrées. Reviens demain matin, et je procéderai à ton égard selon tes mérites. » L’affaire ne tourne pas au tragique, les deux compères se contentent « d’en rire aux éclats pendant