air. Une autre fois, il le vit qui clouait son camail sur le rebord de la chaire. « Il remarquait les moqueries qu’on faisait sur sa personne autant qu’une bête. » Et le candide prélat tombe sous la même sentence que le clerc trop naïf de Boniface VIII. Car Franco ne varie pas beaucoup la formule de ses jugemens.
Mais voici une procession de clercs et de moines dont la mine est fort inquiétante. Messer Francesco, chanoine de Todi, est tout à fait dépourvu de charité chrétienne. Il trouve en son logis un capitaine d’aventure, quelque peu brigand qui, trempé de pluie, se chauffe au feu de la cuisine, où Catarina, servante pérugine, assai leggiadra e giovane, jeune et jolie, fait cuire, pour ces messieurs du chapitre, un dîner excellent. Francesco, furieux, saute sur son épée et prétend déloger son hôte par la force ; celui-ci dégaine à son tour et pousse le révérend hors de sa maison ; puis il entasse le mobilier contre la porte, se barricade solidement, renvoie les invités en leur jetant des pierres par la fenêtre, mange le dîner avec Catarina, et ne sort que le lendemain, après le déjeuner, par une porte dérobée. Le cardinal légat auquel Francesco se plaint amèrement, donne raison au capitaine de l’Église et Sacchetti approuve cette audacieuse violation de domicile ecclésiastique. « Je voudrais, dit-il, que les laïques, les séculiers prissent de la sorte à messieurs les chanoines leur superflu, toutes les douceurs et délicatesses de la vie, les plats fins et les mille sensualités qu’ils recherchent sous le couvert de l’honnêteté et de la religion. »
Les mœurs de ce siècle troublé, la triomphante anarchie qui bouleversait l’Italie désertée par le Pape et l’Empereur, envahissaient le sanctuaire. Sacchetti s’indigne des désordres qui faisaient rire nos trouvères et Boccace. « On fuit de tous côtés les moines et les prêtres. Et la république de Venise a sagement décidé qu’il serait permis aux époux et aux pères de se venger sur eux de leurs injures, » pourvu qu’ils ne meurent pas de leurs blessures. « Allez là-bas et vous verrez que bien peu de clercs vont sans de grandes balafres à travers le visage. » Le clerc qui dépouille nuitamment les morts, déjà signalé au Décaméron, reparaît ici. Dérangé dans son opération scélérate par le crieur public, il sort à demi du sarcophage, frappant des mains, tout noir et la face blanche, et l’officier de justice se sauve éperdument, persuadé qu’il a vu l’âme d’un Bardi dressée toute droite sur son tombeau. Un seigneur lombard fait jeter dans la fosse d’un mort,