parce qu’il ne peut souffrir que l’Église forme un État dans la cité. Il lui reproche, parfois avec violence, quatre ou cinq péchés capitaux. Boccace, plus bienveillant, s’était contenté d’un seul.
De Boniface VIII, le pape superbe que Dante marqua d’infamie, Sacchetti n’a point gardé un trop mauvais souvenir. Il lui prête, en quelques-uns de ses récits, une bonhomie de vieux curé assez surprenante. Le hautain pontife, le despote sans pitié et toujours magnifique, — peccator magnanimus, disaient les contemporains, — figure ici, avec une belle humeur indulgente, en des péripéties fort triviales. Pour une réponse que Rabelais oublie de s’approprier, le grand simoniaque octroie un gras bénéfice au « méchant petit clerc, chericone, » qui lui traduisait de façon singulière le mot thuribulum. L’écrivain se contente d’ajouter à l’histoire : « C’est ainsi que la grossièreté élève la fortune des gens qui portent Notre-Seigneur dans leurs mains et montrent moins de sagesse que les simples bêtes. »
L’évêque Marino, prélat romagnol, n’avait certes point le caractère apostolique. Il s’est plu, soit justement, soit « pour se divertir, » à excommunier le Florentin Dolcibene. Celui-ci, désireux de se réconcilier avec l’Église, afin de rentrer chrétiennement à Florence, obtient, grâce au crédit d’un ami, que Marino pardonnera. L’excommunié s’agenouille aux pieds de l’évêque armé de la baguette symbolique et, tandis qu’il répète, tout contrit, la formule : Miserere mei, Domine, secundum magnam misericordiam tuam, le pasteur bâtonne si vigoureusement la tête du pénitent que celui-ci, furieux, se redresse, tombe à poings fermés sur Marino et le roue de coups en criant : Et secundum magnam multi-tudinem pugnorum !
« Il a bien fait, dit Sacchetti, car cet évêque avait grand besoin de discipline, pour se jouer ainsi des choses sacrées. » Cet autre prélat, de l’ordre des servîtes, prêchant le jour de l’Ascension, déploie une éloquence toute familière. « Jésus-Christ monta au ciel plus vite qu’on ne peut le dire, plus vite qu’un oiseau qui vole, qu’une flèche lancée par l’arc, qu’un trait sorti de l’arbalète ; oui, mes frères, comme si mille paires de diables l’avaient emporté. » C’était, ajoute le conteur, qui assistait au sermon, un saint homme d’évêque, mais un peu faible d’esprit ; il ne prêchait que des sottises et les frères s’en servaient comme d’un appât pour attirer les fidèles. Un jour, Sacchetti l’aperçut qui marchandait des figues au Mercato Vecchio et mangeait ces fruits en plein