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y va lui-même de son bolonais d’argent, mais il le frotte d’abord contre une poire blette cachée sous la table. Cet artifice, subtilement répété, lui permet d’embourser tous les sous « bien secs et arides » de cette candide jeunesse. Ce même Basso donnait des draps sales aux voyageurs qui lui demandaient des draps blancs, et, le lendemain, il répondait à leurs plaintes : « Vos draps étaient-ils bleus, noirs ou rouges ? n’étaient-ils pas blancs ? » — « Agréable raisonnement, ajoute Sacchetti, qui sert à tous les hôteliers. Quant à moi, édifié par cette histoire, je demande toujours lenzuola di bucato, des draps venant de la lessive. » Mais le conteur est, au fond, bienveillant pour l’hôte astucieux, homme piace-vole, d’humeur plaisante. N’a-t-il pas légué par testament la rente d’un panier de poires blettes aux mouches de sa maison ? C’est grand dommage qu’il soit mort, car il était « un élément de vie pour les voyageurs s’arrêtant à Ferrare. »

La miséricorde de Sacchetti en faveur des fourbes très ingénieux est inépuisable. Que deux escrocs s’associent pour obtenir une forte indemnité d’un jeune étourdi, qui réclame le paiement d’une dette déjà remboursée à son propre père, que Sandro Tornabelli, le débiteur, se laisse d’abord emprisonner et, pour cette tache à sa réputation, extorque trois cents florins ; qu’enfin le complice, un galant homme, à qui le bourreau a jadis coupé le poignet, reçoive de son côté seize florins, Sacchetti qualifie simplement l’opération de « subtile malice. » Et il ajoute, avec une tranquille bonhomie : « Si Sandro avait eu un fils ou un cousin d’humeur folle, cela pouvait coûter plus cher à ce pauvre jeune homme. » Évidemment, celui-ci, qui n’a point reçu, un soir, au détour de quelque ruelle, un coup de poignard entre les épaules, était encore l’obligé de Sandro Tornabelli.


V

C’est à l’église que Sacchetti réserva les plus sérieuses sévérités de ses contes. Ici encore, il différait de Boccace. Le Décaméron ne montre point d’hostilité amère à l’égard des clercs et des moines. Il continue, avec plus d’élégance, un esprit plus délicat d’observation, la tradition ironique de nos fabliaux. Ses ecclésiastiques ont bien de la grâce et leurs chutes sont amusantes. Boccace n’enfle jamais sa voix, ne fronce point les sourcils, ne se croit pas chargé de purifier le sanctuaire. Sacchetti se préoccupe toujours des intérêts du parti guelfe. Il fait la police de l’Église