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prissent la convention en mauvaise part et ne leur fissent un grief d’en avoir toléré la mise en vigueur ?

La réponse à toutes ces questions étant au moins douteuse, il était sage de surseoir et de ne pas compromettre par une inutile précipitation le triomphe d’une cause aux trois quarts gagnée.

C’est pourquoi les deux gouvernemens s’entendaient pour renvoyer la suite de la négociation à l’été de 1898, c’est-à-dire après nos élections générales. Il était à prévoir qu’à cette époque, l’entente s’établirait promptement. Les résultats en seraient ensuite soumis à une Chambre récemment renouvelée, sûre d’une longue existence, libérée de toutes préoccupations électorales et mieux disposée dès lors à peser les motifs d’intérêt général et de politique internationale qui justifieraient l’entente des deux gouvernemens.

L’ajournement ne pouvait qu’être profitable à la cause. Je devais seul en pâtir.

Affectée par le climat romain, ma santé me trahissait en vue du but. J’en venais à me demander si j’avais encore les forces suffisantes pour continuer ma mission diplomatique comme il convenait. En présence d’un pareil doute, je n’avais qu’à me retirer : c’était le devoir.

Comme en 1885, il me fallait laisser à un successeur plus favorisé la satisfaction et l’honneur de conclure.

Au mois de février dernier, M. Barrère, nommé ambassadeur près le roi d’Italie, venait me rejoindre à Rome, d’où je m’éloignais bientôt, après l’avoir initié à l’état des choses et mis en rapport avec les représentans du gouvernement royal. Son activité connue ne laissait point chômer les pourparlers.

Après nos élections législatives du mois de mai, rien ne semblait plus devoir s’opposer à l’ouverture des négociations officielles. Cependant, l’issue en était retardée, une fois encore, par un de ces événemens que la diplomatie la plus avisée ne saurait conjurer. Je veux parler des crises ministérielles qui se succédaient à Rome et finissaient par entraîner, en juillet, la démission définitive du Cabinet présidé par M. le marquis di Rudini. Par bonheur, la nouvelle administration, organisée par M. le général Pelloux, n’apportait pas un programme qui l’obligeât à renoncer à tout l’héritage de ses prédécesseurs. M. l’amiral Canevaro, qui avait pris depuis quelques semaines la place laissée à la Consulta par M. le marquis Visconti-Venosta, conservait le portefeuille des