pour parler plus exactement, depuis qu’un ministre italien avait paru se prévaloir de la Triplice pour imprimer à sa politique un caractère agressif, nous nous étions habitués à considérer qu’il y avait là un obstacle irréductible à l’entente des deux pays. Non pas que cette considération allât jusqu’à nous suggérer contre l’Italie des projets hostiles ni des désirs de représailles ! Mais il y avait chez nous comme une entente tacite pour maintenir à son égard une attitude de réserve et d’abstention, tant qu’elle persisterait dans la coalition. Que parlait-on de renouer avec elle des relations commerciales, où nous trouverions aussi notre compte ? Lui rouvrir des débouchés, ne serait-ce pas lui fournir les moyens de conjurer sa détresse financière et de se procurer des ressources qu’elle emploierait à grossir ses armemens, au profit de la Triplice ?
Ceux qui formulaient de pareilles objections se faisaient de singulières illusions sur l’importance de la crise italienne, ne réfléchissant pas que la fermeture de nos marchés n’en constituait pas la cause unique, et qu’en définitive, un peuple jeune, dont les revenus annuels se chiffrent par plus de 1 600 millions de francs, se rit des menaces d’une ruine prochaine. Sans doute, l’Italie doit affecter au service de ses dettes près de la moitié de ses entrées ; mais, dans un cas extrême, le souci de la conservation ne viendrait-il pas lui inspirer d’ingénieuses combinaisons pour alléger le poids de ses charges ? N’a-t-elle pas déjà, il y a peu d’années, réalisé une conversion déguisée en jouant de l’impôt sur la richesse mobilière pour diminuer d’un point le taux de sa rente ? L’opération a réussi et pourrait être recommencée.
On voit donc l’erreur de ceux qui sont tentés de spéculer, pour amener l’Italie à composition, sur l’éventualité d’une banqueroute provoquée par la prolongation de la rupture économique et financière avec la France. L’Italie, — qu’on ne l’oublie pas ! — peut se passer des 100 à 150 millions annuels que lui vaudra la restauration de nos anciens rapports ; elle est assurée de pouvoir, longtemps encore, entretenir ses forces militaires dans la mesure qui lui paraît fixée par le souci de sa défense et de ses obligations conventionnelles.
Du reste, les plus vives résistances à la politique nouvelle devaient trouver leur raison d’être dans les théories économiques qui ont la faveur de nos assemblées.