fait certain est qu’il se plaisait à faire étalage de tendances accommodantes. Il venait de provoquer, spontanément et sans conditions, l’abrogation du tarif différentiel, qu’il avait machiné, deux années auparavant, contre les importations françaises. Et puis, on était au lendemain de la chute du prince de Bismarck, en présence de l’énigme posée par l’entrée en scène du jeune empereur Guillaume II : c’était un point d’appui qui manquait brusquement au ministre italien. Enfin, il n’était pas sans entendre les plaintes qui s’exhalaient de la nation, écrasée par le poids des impôts, éprouvée par une série de crises, et disposée à imputer ses souffrances à une politique qui lui fermait nos marchés et qui, en lui aliénant la France, l’obligeait sans profita rester sous les armes, au prix de dépenses excessives. Un pareil état de choses, en se prolongeant, risquait de devenir une cause de dangers pour le gouvernement et pour la monarchie elle-même. Nous pouvions donc envisager l’éventualité d’un changement de système, qui s’effectuerait deux ans plus tard, à l’époque où l’échéance même du traité de la Triple Alliance fournirait à l’Italie une occasion propice de reprendre sa liberté d’action et d’écarter ainsi, sans rompre avec les puissances centrales, tout sujet de mésintelligence avec la France. C’est dire assez que les efforts de l’ambassadeur de la République devaient tendre à préparer et à faciliter cette évolution.
Tel est, en effet, l’objet que je me proposais en arrivant à Rome, en 1890, et à la poursuite duquel je m’attachai obstinément pendant plus d’une année.
Un moment, la réalisation en parut probable et prochaine : je veux parler du jour où M. Crispi, renversé par une surprise parlementaire, céda la place à M. le marquis di Rudini, dont le programme annonçait une politique de recueillement, d’économies et de paix. N’allait-on pas voir se renouer entre les deux nations latines des rapports de telle nature que la Triple Alliance aurait perdu sa principale raison d’être, lorsqu’elle arriverait à échéance ? C’était la pensée intime et le secret espoir d’un grand nombre d’Italiens.
Malheureusement les partis avancés crurent le moment venu d’en faire le sujet de manifestations bruyantes, afin de déchaîner un mouvement d’opinion qui s’imposât à la Couronne. Maladroite campagne, qui n’eut d’autre effet que de susciter des inquiétudes au Quirinal et de suggérer, à Berlin comme à Vienne, l’idée de