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il est l’auteur, le transmuerait en acide carbonique et en eau, c’est-à-dire en un liquide sans saveur et, selon l’expression courante, en vinaigre « passé. »

Fût-il installé dans les conditions les plus avantageuses pour prospérer, le mycoderme doit être défendu contre ses ennemis, car il en a. De certains parasites se forment au sein des cuves où la fermentation acétique est lente : les anguillules, qui veulent de l’air pour subsister. Or le mycoderme, c’est-à-dire la peau ou moisissure flottante, accapare tout l’oxygène offert à son avidité et en prive les anguillules. Mais ces petits êtres ne cèdent pas facilement la place. Réfugiés sur les parois du tonneau, tout près de la surface couverte par le mycoderme, ils luttent avec lui, l’empêchent de travailler et le rendent malade.

Le vinaigre d’alcool, très rarement falsifié avec les acides sulfurique ou nitrique, dont la présence est d’ailleurs très facile à reconnaître, a l’avantage d’être une marchandise assez bon marché pour décourager les contrefaçons malhonnêtes : un hectolitre d’alcool pur à 50 francs, grevé de 37 fr. 50 d’impôt, fournit mille litres de vinaigre à 10°, dont la matière première coûte ainsi neuf centimes seulement. Quant au soi-disant vinaigre de bois, que certaines personnes se figurent occuper le plus bas échelon de cette catégorie de comestibles, il n’existe pas, pour cette bonne raison qu’il serait beaucoup plus cher que l’autre. Le bois, distillé dans des cornues en fonte, se métamorphose partie en charbon qui reste dans l’appareil, partie en gaz volatil, et partie en vapeurs condensées et recueillies au sortir de l’alambic. Le liquide ainsi constitué renferme bien de l’acide acétique, mais en si petite quantité — 25 kilos par stère de sapin — que, si l’on distillait le bois à cette seule fin, le vinaigre obtenu reviendrait à plus haut prix que le meilleur vinaigre de vin.

Son odeur nauséabonde le rendrait d’ailleurs impropre à toute consommation ; nul jusqu’ici n’ayant assaisonné ses mets avec de l’alcool à brûler. Or, c’est justement pour obtenir cette odeur infecte que l’on travaille, non pas le bois sain qui serait trop coûteux, mais les sciures et les déchets. L’esprit de bois ou alcool méthylique qui en provient est introduit, sous la surveillance de la régie, dans des alcools ordinaires pour les empester, les « dénaturer, » et leur permettre ainsi de bénéficier d’une réduction des trois quarts de la taxe des alcools de bouche.

Tel était, jusqu’à l’année dernière, le régime des alcools