coûtent 40 francs les 100 kilos, tandis qu’un kilo de cette gousse noire, la vanille, cueillie sur des lianes tropicales, vaut jusqu’à 120 francs en certaines années. La plupart de ces végétaux contenant une dose de résine et de principes amers, qui rendraient imbuvable l’alcool où ils se seraient dissous, quelques liqueurs, à base de fruits, se font seules par infusion ; toutes les autres sont distillées, ce qui évite la présence des huiles volatiles.
De ces huiles cependant doit venir parfois le bouquet principal ; tel est le cas de l’absinthe. Aussi lui applique-t-on partiellement les deux procédés : 100 litres d’alcool, où trempent environ 3 kilos de « grande absinthe » mondée — les sommités des tiges — avec 5 kilos d’anis vert, autant de fenouil de Florence, 1 kilo ou 2 de coriandre et d’angélique, sont d’abord passés à l’alambic et ressortent parfumés mais incolores, naturellement. Les gens du métier ont été fort divertis, il y a quelques années, par la réclame d’un confrère qui avait imaginé, pour frapper l’acheteur, ce qu’il nommait l’ « absinthe blanche oxygénée, » et à qui il suffisait, pour l’obtenir telle, de ne la point colorer en vert, comme les autres, avec la mélisse et l’hysope.
La couleur verte qui, dans l’esprit du public, semble un caractère distinctif de l’absinthe, lui est tout à fait étrangère, bien qu’elle ait fourni nombre d’aperçus ingénieux et d’agréables truismes aux poètes et aux romanciers. La macération d’un kilo d’hysope fleurie, d’autant de mélisse de Moldavie et de menthe, dans une moitié du liquide distillé, n’a pas seulement pour effet de lui donner sa teinte conventionnelle ; on y ajoute un kilo de « petite absinthe » qui, tout en atténuant la trop grande vivacité de la nuance glauque, donne à l’ensemble une légère amertume, tandis que l’anis a pour mission de blanchir le mélange.
Comment ce spiritueux dénommé « absinthe, » et dans la confection duquel il entre si peu d’absinthe — 40 grammes au plus par litre — et trois fois davantage de substances diverses, dont les unes passent pour inoffensives (l’anis) et les autres pour curatives (la mélisse), peut-il avoir sur le système nerveux de ses fidèles les désastreux effets que l’on constate ? c’est ce qu’il est facile d’expliquer. L’huile naturelle de cette plante est surtout nocive par l’excitation renouvelée qu’elle provoque ; Est-il vrai que beaucoup d’absinthes ne sont pas distillées, mais simplement fabriquées avec des essences chimiques, en vue, non de réaliser une économie, — les trois kilos de grande absinthe se paient