curaçaos et les anisettes actuelles sont préparés suivant les règles de l’art ? Le profane qui y met le pied se demande s’il est chez un pharmacien, un épicier ou un parfumeur, tant est compliquée l’installation que nécessite la variété de besognes très simples en apparence : bassines de toutes tailles, aux fonds aplatis, sphériques ou bombés « en cul-de-poule ; » filtres en cuivre pour la décoloration des sirops ressemblant, les uns à de grands entonnoirs fermés, les autres à des pyramides tronquées ; conges ou fontaines, à échelle graduée pour mélanger les liqueurs ; sébiles en bois ou mortiers en fer, en pierre, en marbre, destinés à l’écrasement des matières dures ; puis ce sont les tamis, les siphons, les pompes et les presses de plusieurs systèmes, la « musique », espèce de boîte à compartimens, garnie en drap, qui sert à ranger les instrumens de pesage ; çà et là sont épars les petits outils : râpes, spatules, écumoires, balances et tubes indicateurs des densités ; plus loin des vases de toute grandeur et de toute substance : brocs en fer-blanc, dames-jeannes vêtues d’osier, cruches en grès, bocaux de verre, « chausses » ou poches à filtrer en étoffe, sortes de chapeaux pointus alignés par rang de taille. Le tout sans parler du matériel fixe, foudres, bascules, alambics et fourneaux.
À l’entrée du laboratoire où sont concentrés les herbes, racines, écorces et fruits secs de toute sorte et de tout pays, que l’on met en œuvre chaque jour, une odeur forte vous prend à la gorge, odeur étrange, dont on ne saurait dire si elle est bonne ou mauvaise, odeur de vanille ou de poivre, de mélisse et de cardamome camphrée. Le benjoin, sous la forme de petits cailloux jaunes, a pour voisins de tiroir une gomme au parfum d’encens, le storax, et une menthe aquatique venant du bord des marais. Entre la sarriette et le basilic sont logés de volumineux paquets de grande et de petite absinthe ; à côté de la « rue, » plante abortive que les pharmaciens ne délivrent que sur ordonnance et qui figure dans le vulnéraire suisse, on voit des espèces d’écailles de tortues : c’est le tolu, dont la médecine recherche les propriétés émollientes. Une senteur très puissante de confiserie nous transporte dans un autre domaine ; elle émane de la semence d’angélique, dont l’emploi en horticulture est si délicat qu’elle perd sa faculté de reproduction si elle vient à être touchée avec la main.
Les condimens innombrables, dont le liquoriste se sert pour cuisiner ses produits, sont de prix très variés : cultivées aux environs de Paris par des herboristes spéciaux, les plantes communes