merveilleux, si l’on en juge par les « clystères dorés, » — remèdes de prince, — dont la mention coûteuse revient, avec fréquence, dans les comptes féodaux. L’or liquide fut longtemps considéré comme une potion souveraine : Brantôme lui attribue la conservation de la beauté de la duchesse de Valentinois ; l’empereur Rodolphe, au dire de Tallemant, s’en servait : « il se tint ainsi en santé de longues années » ; et Molière, dans le Médecin malgré lui, fait dire à l’un de ses personnages, apprenant les résultats d’un élixir qui ressuscitait les morts : « Il fallait que ce fût quelque goutte d’or potable. »
Aussi était-ce dans un vase d’orque notre auteur du XIIIe siècle conseillait de garder cette eau-de-vie, qui « guérit ou préserve d’une infinité de maux et entretient la jeunesse chez ceux qui ont dépassé la maturité. » Elle mit quatre cents ans à passer du domaine de l’alchimie dans la fabrication vulgaire : dès le XIVe siècle, les grands seigneurs conservent quelques fioles de ce spécifique pour leur usage personnel, — un spécialiste vient de loin chez Madame de Flandres « faire l’aiguë ardent, » — le peuple, jusqu’au règne de Louis XIV, ne voyait encore dans l’alcool qu’une médecine onéreuse ; le monopole en était concédé à des commerçans privilégiés, et la confection réglementée par un édit de 1634, défendant d’y employer du poivre, du gingembre, des graines de genièvre, « et autres drogues non convenables au corps humain. »
Quatre-vingts ans plus tard (1713), une loi intervient, dans l’intérêt de l’exportation, « afin que la réputation de nos eaux-de-vie ne dégénère pas à l’étranger, » pour défendre de brûler des lies ou des marcs ; preuve que déjà les pays vignobles savaient utiliser ces déchets et aussi que ce genre d’alcool avait ses amateurs. La consommation s’était développée dans l’intervalle ; parmi les dépenses des bâtimens royaux, en 1684, figurent des achats d’eau-de-vie pour les ouvriers qui travaillaient au château de Versailles. Ils n’en devaient pas boire à l’excès, si l’on en juge par le prix du litre, — 2 fr. 30 en monnaie de nos jours, — égal à celui d’une journée de maçon à la même époque.
Mais le litre d’esprit-de-vin se vendait en gros, chez le producteur, 1 fr. 40 de notre monnaie à Orléans et 78 centimes seulement à Bordeaux (1682). Les prix oscillèrent, au XVIIIe siècle, depuis 12 francs jusqu’à 1 franc le litre seulement ; sans doute, pour ce dernier chiffre, non compris les « droits du roi ; » car déjà