reçu de Paris une lettre de son fils, lui répétant un mot échappé à Luynes, alors que la nouvelle de la fuite de Marie de Médicis venait seulement d’arriver à Paris : « Si votre père, aurait-il dit, pouvait arrêter l’évêque de Luçon, il nous ferait grand plaisir. » Ce d’Alincourt, qui, d’ailleurs, était une bête, avait cru faire un coup d’éclat en arrêtant le carrosse. Il fut bien surpris quand Du Tremblay, qui l’avait joint, eut exhibé les ordres du Roi. Il fallut bien se rendre à l’évidence, et s’incliner devant l’homme qu’on se disposait à traiter si mal. Richelieu dit joliment, après avoir conté l’aventure : « Le sieur d’Alincourt fit force excuses que je reçus en paiement, et, aussitôt que j’eus dîné avec lui, je partis pour continuer mon voyage en poste comme je l’avais commencé. »
Pénible voyage de quinze jours, à travers cette dure Auvergne, toute blanche de neige, et avec tant de projets, tant de soucis, tant de rêves pressés d’atteindre le but. À Limoges, nouvelle alerte. Schomberg était dans ces parages, opérant à la tête des troupes du Roi. Il apprit qu’un évêque passait par là ; s’imaginant que c’était l’archevêque de Toulouse, il le fit poursuivre. Mais Richelieu, sentant le péril, avait changé de route et avait, ainsi, échappé à ce nouveau danger.
Enfin, le 27 mars, mercredi de la Semaine-Sainte 1619, un an, jour pour jour, après qu’il avait quitté son diocèse pour prendre le chemin de l’exil, il arrivait à Angoulême, où se trouvait la Reine-Mère et pouvait se présenter à elle, conformément aux ordres du Roi, pour reprendre auprès d’elle, avec ses fonctions, l’autorité et l’influence que tout le monde était maintenant d’accord pour lui reconnaître. Quel changement !
La Reine avait peine à dissimuler sa joie. Bouthillier La Cochère, arrivé directement de Paris, mettait rapidement Richelieu au courant de tout ce qui s’était passé. Quant à Ruccellaï et à d’Epernon, ils se regardaient sans rire, ayant bien l’air de gens qui auraient tiré les marrons du feu.
GABRIEL HANOTAUX.