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procédés de nos jours dans des planches en taille-douce et plus de 500 gravures ou illustrations. Tout cela disposé avec art dans le texte et hors du texte nous reporte de la manière la plus aimable au milieu d’un monde disparu. Cet ensemble fait grand honneur à la maison Hachette, et d’autant plus que ce livre peut être mis entre toutes les mains.

Le Léonard de Vinci[1] de M. Eugène Müntz nous fait pénétrer en pleine Renaissance italienne. Comme peintre, poète, sculpteur, savant, philosophe, Vinci est la personnification la plus éclatante du Cinquecento, où il apparaît comme une sorte d’initiateur sacré dans tous les ordres de la connaissance. Ses chefs-d’œuvre marquent une date dans l’histoire de la peinture, qui doit à Léonard son évolution suprême. Ses manuscrits prouvent qu’il embrassa le cercle entier du savoir humain. Son génie universel est fait d’une intime union de la science et de l’art, qui doivent toujours se compléter l’une par l’autre, ainsi qu’il l’a expliqué dans son Traité de la peinture, et c’est cette alliance même qui fait le caractère expressif de son œuvre, où, dans la pureté du trait, la précision de la forme, il enferme l’infini du mystère, de l’expression, du sentiment et de la pensée et de toutes les émotions humaines. M. Eugène Müntz a suivi le développement de l’œuvre du Vinci depuis les origines. Tous les musées du monde et toutes les collections ont été mis à contribution et c’est, ou peu s’en faut, la reproduction de l’œuvre entier de Léonard : tableaux, dessins, esquisses que M. Müntz fait passer sous nos yeux depuis la Méduse et l’Adoration des Mages de la Galerie des Offices à Florence, jusqu’à la Joconde, la Vierge aux Rochers, Sainte Anne, têtes de madones exquises, figures mystérieuses, captivantes et énigmatiques où toute l’âme transparaît et qui sont créées pour l’adoration et pour l’amour. Le sujet ne pouvait être traité avec plus de largeur d’esprit, plus de science que dans cet ouvrage, édité avec luxe, et qui réunit tout ce qui peut captiver les yeux et charmer l’esprit.

Ce que Léonard fut pour l’Italie, un rénovateur, Velazquez[2] le fut pour l’Espagne. N’a-t-il pas lui aussi avec son génie traduit toute son époque, et, par son intuition, sa vision pénétrante, représenté toute cette cour triste et morne, entourée de bouffons, de nains et de fous, où tout était lugubre jusqu’au rire ?

A l’exemple des autres arts, la peinture avait longtemps suivi on Espagne une voie étroite et aride, l’affranchissement ne commence

  1. Léonard de Vinci, par M. Eugène Müntz, 1 vol. in-8o jésus, avec planches en taille-douce, hors texte en couleurs et 200 gravures. Hachette.
  2. Velazquez, par M. A. de Beruele, 1 vol. in-4o jésus, illustré. H. Laurens.