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prophètes, de rois, de juges, de prêtres, de guerriers ; ici l’humanité est si vieille que des générations de cités y sont tombées en poussière comme des générations d’hommes ; et tout ce passé a préparé, a prédit, a adoré d’avance le Christ et la rédemption. Et voici Bethléem, où naquit avec ce Christ la vie nouvelle du monde. Voici le chemin de la Montagne où cette vie nouvelle fut révélée aux hommes avec les ineffables paroles sur les béatitudes de ceux qui pleurent. Voici le Jourdain qui, de Tibériade aux eaux amères et mortes de Sodome et de Gomorrhe, coule, comme la vie du Sauveur coula, de ses premiers et doux miracles, à l’amertume, trop stérile encore, de ses souffrances et de sa fin. Et plus proche que tout le reste, et tout entière sous le regard, s’étend Jérusalem, siège de l’ancienne loi et de la nouvelle, qui les a toutes deux méconnues, qui, en tuant le juste s’est condamnée elle-même, qui a collaboré seulement par son crime au salut du monde, qui, dans sa puissance détruite et ses fils dispersés, rend témoignage à sa victime, et qui, cherchant en vain une pierre du vieux temple, a depuis, pour unique vie, le tombeau vide où elle croyait avoir à jamais caché son forfait. Oui, partout ici le regard vole d’autels en autels, et en changeant de vision ne fait que changer de prière.

Et rien n’est plus digne de respect que le désir de méditer, en face de ces miracles, et, comme Moïse faisait soutenir ses bras vieillis pour les élever vers le Seigneur en face de la Terre promise, d’appuyer les incertitudes de sa foi sur les certitudes de l’histoire, et de chercher la ferveur dans un tel temple. Rien, sinon la foi simple de ceux qui de tout lieu savent faire ce temple, et auxquels, pour fléchir le genou en toute humilité et espérance, il suffit de se connaître et de connaître Dieu.


ETIENNE LAMY.