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le prestige extérieur d’une cour se mesure au nombre et au luxe des dignitaires, des équipages, de la livrée, et tous ces luxes auraient coûté cher, transportés de si loin dans un tel pays. Or les Hohenzollern ne furent jamais prodigues. Tout conseillait donc à Guillaume la simplicité. En face du tombeau du Christ sacrifier toute fausse gloire à l’humilité du chrétien sera toujours pour un prince le parti le plus naturel, le plus sage et le plus noble. Mais il est des hommes à qui tout paraît plus facile que d’être simples. Guillaume voulait une entrée solennelle, et solennelle sans qu’elle lût onéreuse. C’est cette difficulté qui, mettant en œuvre l’imagination de l’empereur l’a amené à remplacer les moyens ordinaires et coûteux d’étonner les hommes par cette poésie d’une arrivée à travers le désert, d’un campement sous les murs, d’un hommage inattendu à la vie orientale et d’un rapprochement opéré, par la beauté originale des costumes, entre l’Europe et l’Asie. Ainsi il a composé son itinéraire, son personnage et les groupes de ses compagnons. Mais soit inaptitude à considérer les ensembles, soit plutôt conviction que lui seul suffit à donner leur caractère et leur éclat aux solennités où il préside, il n’a pas étendu ses regards jusqu’au bout de son cortège. Comme ces grands artistes qui dans leurs tournées de province promènent superbement la beauté de leur jeu et la splendeur de leurs costumes parmi les pauvres décors des petits théâtres, et rendent plus minable la friperie des comparses, l’empereur, en sa blancheur vaporeuse de chevalier, a rendu plus vulgaire l’apparence extra-moderne de sa suite, le sans-gêne des blouses jaunes et la banalité des habits noirs. Un si mince appareil n’était pas fait pour conquérir Jérusalem, que l’afflux constant des pèlerinages, les pompes rivales de ses cultes et l’éclat oriental des costumes et des cérémonies rendent, de toutes les villes, la ville la plus difficile à étonner.


Au mont des Oliviers, dimanche 30 octobre.

Notre consul général a bien voulu m’offrir une promenade sur le mont des Oliviers, « chez les Russes. » On désigne ainsi au sommet de la colline un vaste espace planté de cyprès et de pins, où la Russie a une chapelle et une grande tour.

Le mont des Oliviers s’élève à l’est de Jérusalem. Des murs, une sente descend dans la vallée de Josaphat et remonte, droite