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POESIE


L’ÉTABLE



Par ordre de César Auguste et pour connaître
Le nombre de sujets dont il était le maître,
On recensait alors le monde tout entier ;
Et pour qu’on l’inscrivît, Joseph, le charpentier,
S’en fut à Bethléem, son pays d’origine.
Il cheminait, suivi d’un âne à maigre échine,
Dont les sabots butaient aux pierres des ravins
Et qui portait, assise entre les deux couffins,
Marie humble et voilée, et tout près d’être mère.
C’était l’hiver ; la nuit était exquise et claire ;
Et deux astres surtout, au sombre azur des cieux,
Brillaient, plus radieux que les plus radieux,
Guidant de loin déjà les Bergers et les Mages.

A travers plaines, monts, torrens, cités, villages,
Les deux époux allaient au but, pleins de souci,
Car la femme souffrait. Ils se hâtaient ainsi
Depuis des jours, faisant halte près des eaux vives,
Et, pendant leur repas de pain noir et d’olives,
L’âne broutait, cherchant l’herbe entre les cailloux.

C’était l’hiver, la nuit, mais le temps était doux ;
Un calme solennel planait sur la nature.