en notre temps, Honoré de Balzac, le romancier de la Comédie humaine, dont l’œuvre nous apparaît tous les jours plus vivante, en dépit ou peut-être à cause de ses défauts, qui furent ceux de toute une époque, et ainsi qui donnent à ses romans cette valeur documentaire dont nous sommes aujourd’hui si curieux ; — c’est Saint-Simon, au siècle précédent, qui a réalisé, lui, ce miracle d’animer, de faire vivre ce qu’il y a de moins intéressant au monde, les intrigues de cour, et de communiquer à tout ce qu’il touche l’espèce de lièvre dont il est constamment agité ; — et c’est Molière enfin au XVIIe siècle. On en convient, on le reconnaît : Arnolphe et Tartuffe, Agnès et Célimène, Alceste, Orgon, Chrysale, nous n’avons point à la scène de personnages plus vivans, de même que nous n’avons point de récit ou de tableau, j’ose dire plus « grouillant, » que celui de la mort du grand Dauphin, si ce n’est telle ou telle description de Balzac. Mais, justement, chose assez singulière ! il n’y a point de grands écrivains dont on ait critiqué plus continûment ni plus sévèrement le style et, il faut le dire, avec plus de raison ou d’apparence de raison. Quel est donc ce mystère, ou plutôt ce problème ? J’avoue que je n’en saurais donner l’explication. La grammaire, « qui sait régenter jusqu’aux rois, » serait-elle incompatible avec la vérité de l’observation de la vie ? Voilà qui ferait trop de plaisir aux mauvais écrivains. Mais, quelle que soit la cause, tel est le fait : ni Balzac, ni Saint-Simon, ni Molière ne sont toujours corrects, mais ils sont toujours vivans. Il se pourrait qu’entre l’irrégularité de leur style et l’intensité de vie que nous aimons dans leur œuvre, il y eût quelque relation mystérieuse. Et je laisse à de plus heureux d’en trouver la formule, mais de cette relation, quand il s’agit de juger du style de Molière, il serait difficile de ne pas tenir quelque compte.
Il le serait également d’oublier que tous ses personnages ne sauraient parler la même langue, Alceste ou Célimène s’exprimer comme Martine ou George Dandin ; et que, si cela est assez évident quand ce sont ses « valets » ou ses « paysans » que l’on entend, cela l’est moins, mais n’est pas moins vrai, quand ce sont ses « femmes savantes, » ou ses « bourgeois, » ou ses « gentilshommes ». Lui reprocherons-nous d’avoir parlé quelque part d’un « vin à sève veloutée, armé d’un vert qui n’est point trop commandant ? » Évidemment, c’était le jargon des gourmets de l’époque. Nous avons rappelé quelques phrases du maître de