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de s’abréger d’abord en métaphores, qui sont des comparaisons dont on n’exprime que l’un des deux termes ; et de figurées ou de concrètes, ces métaphores, à leur tour, doivent devenir abstraites ; ou, si l’on le veut, et en rapprochant l’évolution de la parole de celle de l’écriture, elles doivent, de « représentatives, » devenir d’abord « hiéroglyphiques, » et d’ « hiéroglyphiques » finalement « idéographiques. »

Est-ce à dire, après cela, que le galimatias de Molière se justifie toujours par ces motifs ou s’excuse toujours par ces observations ? Non, sans doute, et nous l’avons dit nous-même assez clairement. Il n’y a pas non plus d’observation, et encore moins de théorie grammaticale, ou philologique, qui puisse excuser ou justifier ces quatre vers d’Hugo :

Quand notre âme, en rêvant, descend dans nos entrailles,
Comptant dans notre cœur qu’enfin la glace atteint,
Comme on compte les morts sur un champ de batailles,

Chaque douleur tombée et chaque songe éteint.

C’est ici la part de la faiblesse humaine ! et, dans aucune langue peut-être on n’est plus exigeant qu’en français, sinon sur la qualité, du moins sur la réalité de l’image. Mais que, pour toutes les raisons que nous avons dites, Molière ait affecté d’éviter, et, en l’évitant, de railler, par l’exemple qu’il donnait du contraire, un vice de langage qui était à ses yeux le plus caractéristique de la préciosité du discours, c’est ce que l’on peut, je crois, affirmer. Il y a certainement de l’intention, dans sa manière de ne pas suivre ses métaphores.

Mon cœur aura bâti sur ses attraits naissans,
Et cru la mitonner pour moi durant treize ans…
( École des femmes, IV, 1.)

On ne nous fera pas croire que Molière, s’il l’eût voulu, n’eût pas pu « accorder » ces métaphores entre elles. Et on pourra d’ailleurs prétendre qu’il eût donc mieux fait, en ce cas, de le faire, mais on aura du moins rapporté son « galimatias » à son principe. Quand il n’enferme pas sa pensée dans un de ces vers devenus proverbes :

Il est de faux dévots ainsi que de faux braves ;
( Tartuffe, I, 5.)

Molière tourne, pour ainsi dire, autour d’elle ; il en exprime, à