Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/822

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Alors que les plus graves questions, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, préoccupent les patriotes, nous estimons que désorganiser un service public, tenter de paralyser l’unité nationale au risque d’affamer Paris est un crime de lèse-patrie.

A qui M. Guérard fera-t-il croire qu’il suffirait d’un geste de lui pour remettre sur pied simultanément l’œuvre si délicate de la mobilisation qu’une grève générale compromettrait sûrement ? C’est de la folie pure.

Mécaniciens et chauffeurs,

Nous attendons l’amélioration de notre sort non d’une entreprise de bouleversement, mais bien d’une étude réfléchie de nos desiderata.

Le Sénat aura prochainement à examiner la loi sur les agens de chemins de fer votée par la Chambre ; nous espérons qu’il aura à cœur de garantir la situation des mécaniciens et des chauffeurs et d’améliorer leurs conditions de travail.

Mais de telles réformes ne se peuvent effectuer que dans le calme, avec, pour soutien, la confiance de la nation. Or, désorganiser la vie sociale par la grève serait s’aliéner pour toujours les sympathies nationales, que nous avons acquises par l’attitude ferme et patriotique dont nous ne nous sommes jamais départis en présence des pires invitations aux désordres et à l’indiscipline.

Camarades, vous resterez sur vos machines, confians dans le pouvoir des lois et forts du sentiment de votre devoir.

Paris, 14 octobre 1898.

Cette belle et patriotique proclamation du président Guimbert constitue un document important dans l’histoire du mouvement corporatif. Elle était suivie d’une protestation de l’Association amicale des chemins de fer, syndicat professionnel fondé le 18 avril 1884, qui compte 9 000 adhérens et 1 100 membres d’honneur.

Camarades,

La douloureuse expérience de 1891 ne suffit pas ; la presse aujourd’hui nous révèle qu’un syndicat d’employés de chemins de fer ne craint pas de faire appel à la grève dans les circonstances difficiles où le pays se trouve en ce moment.

Fidèle au mandat que vous lui avez confié, votre conseil d’administration proteste avec la dernière énergie contre cette mesure et vous engage à vous abstenir de toute manifestation. Les sollicitations ne vous manqueront pas. Dans l’intérêt général et dans votre propre intérêt, sachez y résister.

Ayons le courage de notre modération, et ne nous lançons pas dans une lutte dont nous serions les premières victimes.

Continuons à faire notre devoir, nous n’en serons que plus forts et mieux écoutés.

Vous savez tous que, si nous avons la fermeté de protester contre la grève, notre indépendance nous permet de soutenir énergiquement nos revendications.