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une somme de 500 francs. Le Grand Orient de France se faisait inscrire pour une somme égale. Dans l’ardeur de la lutte, on semblait perdre de vue les ouvriers, mais eux poursuivaient leur but et acceptaient tous les concours, sans s’écarter du terrain professionnel. Pendant que d’anciens députés, MM. Jaurès et Gérault-Richard, et le conseiller municipal M. Landrin haranguai ont, dans la grande salle de la Bourse du Travail, la masse désœuvrée et nerveuse des grévistes, la Fédération du bâtiment s’occupait de répondre à la note des entrepreneurs et d’établir que, contrairement à leurs affirmations, les ouvriers ne touchaient que 0 fr. 50 et 0 fr. 60 de l’heure. Elle affirmait sa résolution de n’accepter aucune reprise du travail tant que les entrepreneurs n’auraient pas pris l’engagement de payer les prix de série pendant une durée indéterminée.

De leur côté, les entrepreneurs, après s’être concertés en vue d’une action commune, faisaient savoir au Conseil municipal qu’ils iraient porter leur réponse à l’Hôtel de Ville dans la journée du 23 septembre. Le président fit aussitôt aviser le Comité central de la grève d’envoyer une délégation pour discuter, s’il y avait lieu, les propositions qui lui seraient soumises.

L’entrevue n’amena aucun résultat, les patrons se bornèrent à établir avec chiffres à l’appui, devant le Bureau du Conseil municipal, que, par suite des rabais consentis dans les adjudications, il leur était impossible de payer intégralement les prix de série. Le Bureau du Conseil, après avoir pris acte de leur refus, vota dans la soirée même un secours de 20 000 francs pour les grévistes, et le président l’annonça aussitôt au Comité central réuni en permanence à la Bourse du Travail.

On comprend facilement l’enthousiasme causé par cette lettre, dont il fut donné lecture à l’assemblée générale. Des remercie-mens furent aussitôt votés au Conseil municipal, et on s’occupa de la répartition des secours. Des bureaux d’inscription et de distribution furent créés dans les différens arrondissemens, pour la plupart dans les mairies ; ce qui manquait surtout, c’était l’argent, car, en dépit des appels pressans de la Petite République française et de la Lanterne, les associations ouvrières n’apportaient qu’un bien faible concours. Les souscriptions de 500 francs du Conseil municipal de Boulogne, les 300 francs versés au nom du Syndicat des omnibus, et les 100 francs par semaine promis par le député Laloge ne peuvent pas être comparés aux souscriptions recueillies