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LA GRÈVE DU BÂTIMENT

Les ouvriers fédérés de la métallurgie,
Considérant, que depuis cinquante ans que le suffrage universel est établi en France, les mandatés du peuple n’ont jamais rien fait pour améliorer ou changer le sort des travailleurs déclarent qu’ils sont décidés à partir de demain à faire leurs affaires eux-mêmes.
(Ordre du jour voté le 12 octobre ; 1898. — Petite République Française, 14 octobre 1898.)


M. Jules Guesde a dit dans un de ses ouvrages que les grèves étaient les grandes manœuvres du socialisme, et à ce point de vue l’étude en est toujours instructive, car elle permet de faire un dénombrement des forces révolutionnaires et de calculer la mesure de leur influence dans les milieux ouvriers ; mais la grève récente du bâtiment emprunte aux circonstances dans lesquelles elle a pris naissance un intérêt spécial, et, malgré son peu d’importance relative, elle marquera probablement une date dans l’histoire économique de notre pays. Jamais en effet on n’avait vu s’accuser si ouvertement le divorce qui existe entre le monde parlementaire avec sa politique de fictions et les travailleurs cherchant à assurer la représentation et la défense de leurs intérêts professionnels ; car les ouvriers de la métallurgie, dont nous citons plus haut l’ordre du jour, ne sont pas les seuls à constater que la souveraineté dérisoire conférée par le suffrage universel les laisse désarmés lorsqu’il s’agit des questions vitales. Jamais non plus les divisions entre les différentes sectes socialistes, et les courans opposés qui se contrarient au sein des classes laborieuses, ne s’étaient accentués si nettement. En temps ordinaire, la classification de tous ces partis est rendue impossible par la difficulté de préciser le sens des noms dont ils se nomment