adversaires personnels de Richelieu en conçurent du dépit. « Plus cette action me donna de réputation, plus elle me chargea d’envie, » dit-il lui-même. Et, en effet, il était à une de ces époques de la vie où la supériorité naissante n’a pu encore se dégager du premier cortège des jalousies particulières et des haines médiocres.
Cependant, à Paris, le favori, le rival s’affirmait dans la faveur du roi et dans l’habitude du pouvoir. Il se gorgeait de tout ce que sa situation pouvait lui apporter de satisfactions immédiates. Dès le lendemain de la mort du maréchal, il avait obtenu les charges de lieutenant-général de la Normandie et de premier gentilhomme de la Chambre, les places du Pont-de-l’Arche et de Quillebœuf. En mai, pour mieux surveiller le Roi, il prend, au Louvre, l’appartement de Mme de Guercheville. Le 7 juin, il est reçu conseiller au Parlement. En août, il se fait attribuer toute la confiscation de la maréchale d’Ancre, y compris les terres revenues à la Couronne. Il songeait à épouser la sœur naturelle du Roi, Mlle de Vendôme, et à faire couler ainsi dans les veines de ses enfans le sang des Bourbons. En présence de l’opposition naissante autour de lui, il renonça à ce projet. Mais, le 13 septembre, il épousait Mlle de Montbazon, « laquelle étoit d’une grande maison, fort belle et avoit des biens suffisamment. » Il devenait ainsi le beau-frère du duc de Rohan et l’allié des plus grandes familles du royaume. Il eut la valeur de cinq cent mille livres en mariage. Tout était, pour lui, revenant-bon. « Tout résonnait d’éloges à sa gloire. » La cour, le public, le royaume s’inclinaient devant cette fortune plus soudaine encore et plus inexplicable que celle du maréchal d’Ancre.
Il fallait consolider tout cela. Il fallait donner à la politique suivie à l’égard de la reine mère l’appui de ce qu’il y avait de plus autorisé dans le royaume. Luynes eut l’idée de recourir à une espèce de contrefaçon de l’assemblée des États. Sous le prétexte, habilement choisi, de réformes à accomplir dans le royaume (il y a toujours des réformes à accomplir en France), il fit convoquer une réunion des notables avec mandat d’étudier rapidement un certain nombre de propositions empruntées aux cahiers de 1614. L’assemblée se composait de treize membres du clergé, seize de la noblesse, et vingt-cinq représentans des cours souveraines. Elle devait se réunir à Rouen, Luynes ayant préféré « cette seconde capitale de la France, » parce qu’elle était