le but que j’e me propose, suppliant Dieu de ne me point faire miséricorde si j’ai jamais eu aucune pratique ni pensée contraire à votre service. »
Ces protestations sont vaines. Aussi, avec sa sûreté de coup d’œil habituelle, l’évêque se décide, en même temps, à une démarche qui sera capitale pour le reste de sa carrière.
Il avait, dans sa jeunesse, contracté des liens d’amitié avec un homme dont l’autorité occulte était grande sur le roi, sur la reine mère et sur la cour : c’était le Père capucin Joseph du Tremblay. Pendant le premier ministère de Richelieu, une sorte de froid était survenu entre eux, probablement à la suite de la rupture du duc de Nevers, grand ami du Père Joseph, avec le maréchal d’Ancre et ses partisans. Quoi qu’il en soit, depuis dix-huit mois, les deux amis n’avaient plus eu entre eux, aucune relation. Le Père Joseph, d’ailleurs, avait passé presque tout son temps en Italie, s’employant activement à la réalisation de son rêve d’une croisade contre le Turc. Rentré en France vers le mois de juin 1617, il s’était trouvé mêlé de nouveau aux affaires de la famille royale. Il avait écrit lui-même au cardinal Borghèse, neveu du pape, qu’il s’employait à un rapprochement entre le roi et la reine mère. Dans les circonstances si pénibles qu’il traverse, Richelieu prend le parti de recourir au bon père : « Mon père, je veux vous témoigner par cette lettre, que j’ai de la confiance en vous, puisque, bien qu’il y ait plus d’un an et demi que nous ne nous soyons vus, je vous veux écrire avec la même franchise que si nous n’avions bougé d’ensemble. Je suis si gros de déplaisir… que je veux vous ouvrir mon cœur… » Et alors, c’est un récit de tout ce qu’il a enduré depuis quatre mois, c’est un tableau, un peu chargé peut-être, de son humilité, de sa résignation chrétienne : « Je ne recherche que le repos pour cet effet. Je vous proteste devant Dieu n’avoir eu ni n’avoir d’autre pensée… » Il sait que le Père Joseph a des attaches à la cour et notamment « qu’il voit et estime grandement M. Déagent. » Il le prie de prendre sa cause en main. C’est une œuvre pie, car la vie de l’évêque, dans son prieuré et dans son diocèse, est toute consacrée à un grand travail contre l’hérésie. Il touche ici, auprès du Père Joseph, la corde sensible et évêque les vieux souvenirs des missions communes dans le Poitou : « Ce m’est un grand crève-cœur devoir que travaillant contre l’hérésie, les huguenots prennent occasion de rabaisser ce que je fais contre eux par les bruits qu’ils répandent qu’on fait courir de moi dans la cour. »