Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/772

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
RICHELIEU DANS SON DIOCÈSE
1617-1618

Du mois d’avril 1617, date de l’assassinat du maréchal d’Ancre, au mois d’avril 1624, époque à laquelle Richelieu rentra au ministère, il s’écoula sept années. Sept ans, c’est un long morceau de la vie humaine. Sept ans de disgrâce, c’est une longue épreuve pour un ambitieux.

Ambitieux, Richelieu l’était. Mais, comme il le dit lui-même, d’un joli mot de cavalier, « son ambition n’était pas telle qu’il ne lui tînt la bride en main. » L’évêque sort de la jeunesse, et touche à peine à la maturité. Il y a encore, dans son désir du pouvoir, quelque chose d’ardent et de passionné. Cependant, la gravité des problèmes de la vie l’émeut déjà plus profondément, et la force qui le pousse n’est pas seulement l’appétit des honneurs, de la fortune et des hauts emplois.

Les circonstances, qui préparent de loin et par une série d’efforts séculaires de telles existences, leur impriment d’avance un caractère exceptionnel. Ces grands hommes ont une conformation particulière. Ils montent naturellement, comme les aigles, vers les régions supérieures où la vue est plus étendue et où l’on est seul. S’ils n’y allaient pas, ils auraient la nostalgie des espaces non parcourus, avec la lassitude des facultés non employées. La vie leur serait inutile et insupportable.

D’ailleurs, ils ne vont pas là-haut de leur seul mouvement. Tout le monde les pousse. De la foule, il part une sorte de cri et d’exhortation incessante vers ceux qui sont reconnus aptes à diriger les autres. Sous la discipline formelle de la société, il y a