dans ses Sommes contre les Gentils ; et dans un instant j’essaierai de vous montrer que les conclusions du positivisme nous ramènent à la seconde, qui est celle de la théologie.
Mais, auparavant, je ne saurais omettre de dire quelques mots des rapports de la morale avec le besoin de croire. Ici encore, vous le savez, l’effort adverse a été considérable, et, après avoir essayé de fonder la loi morale sur « la nature, » puis de l’émanciper de toute métaphysique, sous le nom de « morale indépendante, » c’est de ses « variations » aujourd’hui que l’on prétend arguer contre elle ; et il est vrai qu’on ne prouve point ces « variations, » mais on n’en parle pas moins. Eh bien ! admettons-les, ces variations, pour un moment. Il ne resterait plus alors qu’à les caractériser, et à montrer qu’elles ne sont autre chose que l’adaptation progressive de quelques principes immuables à des états sociaux successifs, mobiles, et changeans. C’est encore ce que l’on n’a pas fait. Et quand on l’aurait fait, ou quand on l’aura fait, — car cela serait instructif et intéressant à savoir, — il resterait à chercher d’où procèdent ces changemens eux-mêmes ; et, si l’on y regardait d’assez près, on verrait que la vraie cause en est non pas du tout dans « un degré d’élévation vers le pôle, » ni dans un progrès de la science ou de la philosophie, ni dans un changement ou dans une révolution de la nature humaine, mais dans un changement ou dans une révolution des croyances.
Et quelle en est la raison ? C’est que la morale n’est rien que l’ensemble des préceptes qui gouvernent la conduite. Et d’où voulez-vous, d’où veut-on que dérivent eux-mêmes ces préceptes, sinon de l’idée que nous nous formons de notre destination ? Mais là même est précisément le domaine de la croyance. Que devons-nous croire de nous-mêmes ? de notre rôle en ce bas monde ? comment devons-nous traiter nos semblables ? sont-ils faits pour nous ? sommes-nous faits pour eux ? ou tous ensemble sommes-nous faits pour travailler à une œuvre commune ? devons-nous user de la vie comme n’en usant pas ? ou devons-nous croire qu’elle ne nous a été donnée que pour en jouir ? Toutes ces questions assurément sont bien simples, elles sont bien banales ; ce sont des questions quotidiennes. Nous les tranchons, sans nous en douter, à toute heure et en toute occasion. Toutes nos délibérations les posent et toutes nos résolutions les décident. Mais qui ne voit qu’elles relèvent ou qu’elles dépendent de la « croyance » et qu’à l’origine des unes ou au terme des autres nous retrouvons l’acte de foi ? Tant valent nos « croyances, » tant vaut notre morale, — je ne dis pas nos actes, il faut faire sa part à la faiblesse humaine, — et nos principes