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M. J.-H. van t’Hoff s’était acquis déjà un juste renom par des travaux de premier ordre dans le domaine des hautes spéculations physiques, et entre autres œuvres, par la part qu’il avait prise à la fondation de la stéréochimie. Il a proposé, en 1887, une théorie de l’osmose qui, dans tous les pays, s’est imposée à l’attention scientifique. La théorie de l’osmose de M. vant’Hoff rattache précisément cet ordre de phénomènes à la plupart de ceux qui forment l’objet de la physico-chimie. Et d’abord, il existe une étroite dépendance entre la question de l’osmose et une autre que M. Reychler appelle « le problème de prédilection de la chimie moderne. » Il s’agit de la vraie nature des solutions salines. Et, de fait, MM. Berthelot, Mendeleef et d’autres savans chimistes, depuis Blagden jusqu’à M. Raoult, ont consacré les plus ingénieux efforts à résoudre cette question : qu’est-ce, au fond, que la dissolution d’un solide dans une liqueur ?

Que le fait de l’osmose soit lié à celui de la dissolution des substances dans les liquides, on le concevra immédiatement si on l’envisage dans son cas le plus simple, lorsqu’il s’exerce entre deux liquides aqueux. Un vase quelconque est divisé en deux compartimens par une cloison membraneuse ; il y a d’un côté de l’eau pure, de l’autre une solution de sel dans l’eau. Le courant s’établit de l’eau pure vers la solution salée ; l’eau pénètre dans le compartiment où est le sel, en augmente le volume et en élève le niveau. Il est clair que ces effets ont leur cause dans la différence des deux liquides, c’est-à-dire dans la constitution de la solution saline comparée à celle de l’eau.

Nous avons dit que les chimistes les plus habiles avaient essayé de pénétrer le mystère de cette constitution des solutions. M. van t’Hoff s’en est formé une idée particulièrement simple. Il admet que la substance dissoute existe dans l’eau à l’état de gaz ou de vapeur.

Il ne faut pas se laisser étonner outre mesure par l’inattendu dans cette proposition ; un peu de réflexion fait concevoir facilement la série d’idées qui y conduit. Quand on met un morceau de sucre ou un grain de sel dans un verre d’eau, on constate, au bout d’un certain temps, que toutes les parties du liquide sont salées ou sucrées. La même chose a lieu si, au lieu d’un verre d’eau, on en emploie une bouteille ou un tonneau ; le liquide est encore salé ou sucré dans toutes ses parties. C’est dire que le sel, par exemple, qui n’occupait à l’état solide qu’un espace insignifiant, s’est