… Son geste sauveur qui désigne dans l’ombre
L’étoile de la liberté ;
c’est lui qui fait luire
Un radieux soleil de jeunesse et de fête
Sur notre vieille humanité.
Leconte de Lisle était à cette époque un catholique libéral. Et qu’on ne dise pas que ce sont là de simples formules poétiques, de purs développemens lyriques[1], comme on pourrait dire qu’il ne partageait pas les idées de M. Nicolas dans l’Introduction de La Variété ou de ses collaborateurs dans leur programme ! La prose de Leconte de Lisle est plus nette encore que ses vers et trahit la ferveur de son christianisme. Nous en trouvons un témoignage dans l’étude sur André Chénier ; il ne lui ménage pas les éloges, certes, mais il ne peut s’empêcher de noter que « la sublime et douloureuse tristesse de la Grèce chrétienne échappait à ses regards. Aveuglement coupable ou incompréhensible du poète, » il s’est laissé éblouir par l’éclat du passé : « Les rêves sublimes du spiritualisme chrétien, cette seconde et suprême aurore de l’intelligence humaine, ne lui avaient jamais été révélés. Nous ne pensons même pas qu’il les eût compris. André Chénier était païen de souvenirs, de pensées et d’inspirations. Il a été le régénérateur et le roi de la forme lyrique, mais un autre esprit puissant et harmonieux lui a succédé pour la gloire de notre France. Ce doux et religieux génie nous a révélé un Chénier spiritualiste, disciple du Christ, ce sublime libérateur de la pensée, un Chénier grand par le sentiment comme par la forme, M. de Lamartine[2]. »
Si l’auteur de Qaïn, des Siècles maudits et d’Hypatie, le fervent de la Grèce païenne, l’ennemi du christianisme n’apparaît pas encore dans le rédacteur de La Variété, nous parviendrons peut-être à découvrir, dans les théories littéraires de Leconte de Lisle à cette époque, le point de départ de l’originalité du chef de l’école parnassienne.
Dans son étude sur Hoffmann, il s’attache à prouver que ce génie « bizarre et enthousiaste » fut cependant « éminemment et
- ↑ C’est d’un accent bien personnel aussi qu’il adjure Lélia de se rappeler les jours de sa jeunesse, où son « hymne d’innocence » cherchait Dieu dans le ciel ; qu’il lui demande de maudire l’orgueil qui fît d’elle « un ange déshérité, » de prier et de pleurer, et de se laisser emporter par « l’espoir divin » pour remonter aux cieux.
- ↑ La préface des Poèmes antiques (Ducloux, 1852) est curieuse à comparer à cette étude.