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LA JEUNESSE DE LECONTE DE LISLE

La gloire et le siècle, À M. F. de Lamennais, Rehdi et Stephany ; il faut y joindre une sixième pièce en petits vers, À Mlle  A.-L. de L., insérée dans une des nouvelles.

Les trois Esquisses littéraires (c’est le titre même qui leur est donné) témoignent des études que Leconte de Lisle avait entreprises sous l’impulsion donnée par Charles Labitte dont les cours à la Faculté des Lettres obtenaient un très vif succès. Ces articles sur Hoffmann et la satire fantastique, Sheridan et l’Art comique en Angleterre, André Chénier et la Poésie lyrique à la fin du XVIIIe siècle étaient « l’essai consciencieux d’une trilogie raisonnée ; » il s’agissait « de faire entrevoir la réaction littéraire fondamentale qui se rattache » à ces trois noms en Allemagne, en Angleterre et en France.

La valeur critique de ces esquisses n’est pas grande, non plus que la valeur esthétique de ces poèmes ; ce n’est pas sous ce rapport que nous devons les interroger, mais seulement comme des témoins d’un état d’esprit et d’un état d’âme que nous aimerions à fixer nettement. Quelque contradiction qu’il y ait entre les croyances du poète à vingt ans et ses négations d’homme mur, quelque variation que ses théories littéraires aient dû subir avec le temps, on ne doit rien écarter de ce qui peut faire mieux connaître une telle pensée, et les années d’étude et de formation ne sont pas les moins intéressantes à étudier.

Quand j’ai parlé du catholicisme de Leconte de Lisle, je n’aurais pas eu le droit d’être aussi affirmatif, si je n’avais pu que lui prêter les croyances que voulait défendre sa Revue ; mais j’en trouve à toutes les pages l’expression personnelle, sans qu’il soit possible d’en nier la sincérité. Ce qui frappe dans tous les poèmes de cette époque, ce sont ses convictions religieuses, très ardentes. Pour Leconte de Lisle, alors, le progrès de l’humanité est lié au christianisme ; c’est des yeux de Jésus qu’a jailli « l’aurore du monde ; » c’est « son sang sacré qui a fécondé l’avenir ; » c’est lui qui a doté « la frêle humanité

Des rayons de l’amour et de la liberté
Et de l’immortelle espérance.

Les mots Dieu, ange, prière, foi, espoir divin, impiété, soleil de Dieu, espérance, azur divin, âme immortelle, but sacré, œuvre divine, temps religieux, tombent tout naturellement de sa plume ; quand il s’adresse à Lamennais, il l’appelle prophète ; c’est