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LA JEUNESSE DE LECONTE DE LISLE

Urbs Redonis, Spoliata bonis, Viduata colonis… Ce qu’un traducteur qui aggrave, tout le long de la pièce, la cruauté des accusations, M. S. Ropartz, a traduit :


La ville des Redons
Que désertent les bons
Est pleine de fripons.


Charles Alexandre, un Breton qui fut secrétaire de Lamartine, a écrit :


Ô terre de l’ennui, morne pays de Rennes !


et la description continue en assez beaux vers, peu galans pour Rennes et ses environs, comme disent les guides. Benech de Cantenac a rimé des méchancetés assez vives contre le Cours de Rennes, d’une repoussante saleté. Un bienheureux, le P. Grignion de Montfort, plus saint que poète, a foudroyé la malheureuse ville d’un cantique long et cruel. « Sans le Parlement, a dit Mme de Sévigné, Rennes ne vaut pas Vitré. » Mérimée et Taine ne paraissent pas avoir été séduits par les charmes de la vie rennaise ; l’abbé Manet, — les prêtres et les poètes sont parmi les plus sévères, — a fait un véritable sermon contre les contemporains de Leconte de Lisle à Rennes.

Il y a toutefois quelques notes élogieuses dans les opinions des gens de lettres ; Boulay-Paty et Hippolyte Lucas ont « chanté » la ville où ils étudièrent aussi ; Arthur Young y trouvait « la table d’hôte de La Grande Maison fort bonne. » Brizeux disait « la douce ville de Rennes ; » Emile Souvestre l’appelait « par excellence, la ville de l’élégie. » Leconte de Lisle, d’ailleurs, écrivait qu’il s’y plaisait et M. Henry Houssaye le répète, et tous les deux nous en ont donné les raisons. Quel était donc ce « milieu intellectuel, » en lequel la vie se faisait agréable et où se plaisait l’étudiant ?

M. Leconte de Bourbon pensait justement que les cours de la Faculté des Lettres auraient eu quelque attrait pour son fils ; Charles y fut plus assidu qu’aux cours de Droit et rappelait volontiers le souvenir de quelques professeurs dont il avait aimé l’enseignement. Les noms de MM. Martin, helléniste distingué, qui étudiait la tragédie grecque ; Delaunay, qui fit quelques leçons sur la poésie au XVIe siècle ; Charles Labitte, qui parla de Dante et de Pétrarque ; Xavier Marmier, qui ne fit que passer, pour n’être déjà