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un lieu de réunion où elles pourraient se retrouver le soir et le dimanche. Les sœurs de Villepinte ont bien fait quelque chose comme cela, en ouvrant aux participantes de la Société de secours mutuels entre jeunes ouvrières leur maison de famille et leur jardin de la rue de Maubeuge. Mais qu’est-ce qu’une maison dans ce vaste Paris[1] ? Aussi est-ce avec joie que je vois l’idée se répandre et que j’ai visité naguère, rue du Parc-Royal, le cercle Amicitia, dont j’aime le nom autant que l’idée, et qui doit sa création à une générosité anonyme. Ce cercle, très bien installé, n’est point ouvert cependant à l’ouvrière proprement dite. Il est plus spécialement réservé aux jeunes filles employées dans le commerce ou l’enseignement. Je voudrais dans Paris un certain nombre de lieux de réunion plus démocratiques, ouverts, moyennant une très légère cotisation, aux jeunes filles qui vivent du travail de leurs doigts, pendant les heures de liberté dont elles disposent. Les patronages et les œuvres de bonne garde, qui existent chez les sœurs de certains quartiers de Paris, répondent en partie à cette pensée. Si les congrégations voulaient entrer résolument dans cette voie, et rattacher les uns aux autres tous les membres de ces patronages par le lien d’une société de secours mutuels, non seulement elles rendraient un singulier service à ce jeune monde sur lequel elles exercent une si heureuse influence en l’habituant à la prévoyance, mais elles pourraient mettre à sa disposition, grâce aux nombreux locaux qu’elles possèdent dans Paris, des maisons de famille et des lieux de réunion situés dans différens quartiers. Pour étendre leur action, une condition serait cependant nécessaire : il faudrait absolument qu’elles eussent le bon esprit de séculariser un peu leurs procédés, et de ne pas se montrer trop exigeantes vis-à-vis de ces jeunes filles, comme pratiques de piété. C’est aussi une habitude trop claustrale de fermer tous les soirs à neuf heures la porte d’une maison de famille. Les ouvrières que leur profession oblige à de fréquentes veillées sont exclues, par le fait de ce règlement trop étroit. D’autres même, il faut le reconnaître, ne veulent pas renoncer à la liberté de leur soirée. Quand la journée a été chaude et que le temps est beau, il fait si bon respirer un peu d’air frais jusqu’à onze heures. Bien sévère qui les blâmerait. Nous-mêmes, n’en faisons-nous pas autant ?

Tout cela, objectera-t-on, est bien facile à dire. Mais comment

  1. Une nouvelle maison de famille a été ouverte tout récemment rue d’Angoulême.