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soutenu que la folie ou l’épilepsie n’étaient peut-être qu’un effet accidentel du génie, il réplique que « les phénomènes épileptoïdes du génie ne sont point postérieurs aux manifestations du génie, mais les accompagnent et souvent les précèdent, par exemple chez Cardan, Léopardi, Poe, Byron et Rousseau. » A M. Mantegazza, qui lui a fait observer que bien des hommes étaient épileptiques, ou fous, sans avoir du génie, il riposte aussitôt : « Quand la folie se produit chez un homme médiocre, elle peut pour un moment en faire un homme de génie : c’est de quoi j’ai donné une série d’exemples, parmi lesquels le plus éclatant est celui de ce médiocre fou, ancien employé, qui a écrit un poème admirable sur un Oiseau dans la cour. Mais pour qu’il y ait génie, il faut que, en plus du ferment de l’hyperhémie cérébrale, en plus de la polarisation spéciale des cellules du cerveau qui détermine la folie, l’hystérie, etc., en plus de ces conditions existe encore une prédisposition organique spéciale, constituée par une plus grande quantité de cellules nerveuses, surtout dans les lobes antérieurs. Et le fait que, souvent, la folie donne un génie momentané, ce fait prouve déjà assez péremptoirement l’extrême influence de la folie sur le génie. » Mais on sent que toutes ces objections importunent M. Lombroso, sans qu’une seule d’entre elles lui paraisse mériter d’être discutée sérieusement. Et il finit par s’en expliquer, avec une louable franchise. « Les contradictions qu’on adresse à ma thèse, dit-il, viennent surtout de ce que la grande majorité, sinon la totalité de mes critiques, manquant eux-mêmes de génie, et par suite ne trouvant point en eux les anomalies qui en sont la condition nécessaire, ne peuvent se résigner à admettre une doctrine qui démontrerait trop manifestement leur propre médiocrité. »

M. Lombroso, au contraire, se résigne-t-il à reconnaître son « manque de génie, » ou bien aurait-il, par hasard, trouvé en lui « les anomalies qui sont la condition nécessaire du génie ? » C’est là une question psycho-pathologique à laquelle il devrait bien répondre, entre deux études sur d’autres grands hommes. Mais puisqu’il nous présente, en attendant, une biographie d’Alfieri, écrite, nous dit-il, sous son inspiration, et qui doit apporter une « confirmation décisive à sa doctrine de la psychose du génie, » essayons de voir, avec un peu de détail, sur quels documens s’appuie cette biographie, et comment procède l’école lombrosiste pour découvrir, dans la vie d’un homme de génie, les signes de la dégénérescence physique et morale.

Encore aurions-nous à nous demander, au seuil de l’ouvrage de MM. Antonini et Cognetti, si Victor Alfieri était vraiment un homme