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comédienne, réputée pour le galbe savoureux de ses jambes, a une fille, qu’elle fait passer pour sa filleule et qu’elle élève dans la modestie. Elle veut la marier honnêtement. Elle y trouve de la difficulté. Et je crains qu’ici l’auteur n’exagère. Deux personnages surtout se recommandent à notre attention : l’infortunée Lédredon, ainsi surnommée parce que c’est une grosse fille mollasse qui fait avec indolence son métier de fille, et le solennel Piton Labaumette, président de l’œuvre pour la protection de l’enfance galante. Tel est ce premier acte. Il parait qu’il faisait prévoir, à ceux qui ont l’expérience du théâtre contemporain, toute sorte de choses délicates et distinguées. Lédredon, Piton Labaumette et Marraine leur semblaient des types de fine comédie, et ils en attendaient un dialogue d’une fantaisie ailée. Il n’est venu que des farces de tréteaux. Ils ont été déçus. C’est leur faute, ce n’est pas celle de M. Janvier de la Motte. Sa comédie est d’un bout à l’autre parfaitement harmonieuse. D’où vient pourtant qu’elle n’ait eu qu’un demi-succès ? Peut-être eût-elle été aux nues, si elle avait eu pour principale interprète Mlle Réjane, au lieu de Mlle Mégard. Surtout il ne faut pas vouloir tout expliquer. Quand on l’aurait chassé de partout ailleurs, c’est dans la fortune des pièces de théâtre qu’on retrouverait le mystère. Pour ma part, je ne vois pas de différence appréciable entre Marraine et dix autres comédies appartenant à ce même genre « vie parisienne » qui a fait en ces dernières années la gloire de tout un groupe d’auteurs dramatiques, et dont les traits distinctifs sont l’indécence, la convention, et la platitude.

Elle non plus, la Médée de M. Catulle Mendès ne nous retiendra pas très longtemps. La vieille légende, exploitée par l’épopée et par le drame, et tant de fois remise à la scène depuis le temps d’Euripide jusqu’à celui de M. Legouvé, n’a-t-elle pas perdu sa force dramatique, et n’est-elle pas à bout de sève ? Les héros grecs ont dû presque tous leur fortune à des femmes qu’ils ont ensuite abandonnées, et ils ont recueilli l’approbation du peuple le plus raffiné ; nous est-il possible de nous placer exactement au même point de vue ? Les anciens n’ont connu que l’amour physique : les rugissemens de cet amour trompé peuvent-ils, sans nous désobliger, emplir trois actes ? Ces horreurs, avec lesquelles leur religion et leur poésie avaient familiarisé les Grecs, nous sont-elles pareillement supportables ? Y a-t-ildans l’histoire des crimes de la magicienne, fille du soleil, autre chose qu’un sujet d’opéra ou de féerie ? Toutes ces questions pourraient avoir leur intérêt ; mais elles ne seraient pas ici à leur place. Il ne s’agissait en effet que de donner prétexte à ces attitudes et à ces effets de costume où Mme Sarah