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Thron-Dak (rivière poissonneuse) ou Klondyke, et autour des petits torrens qui s’y jettent que les héros du jour, Georges Cormack, le vieux Casey, Clarence Berry, Louis Rhodes, le Canadien Joseph Leduc, avaient enfin vu leur rêve prendre corps.

Des rendemens extraordinaires avaient été constatés, l’écuelle de minerai livrant ici 50 francs d’or, plus loin 100 et même davantage. On avait sous les pieds, à n’en pas douter, des dizaines, des centaines de millions ; pour les faire sortir de terre, les bras seuls manquaient et l’on pouvait croire qu’ils ne manqueraient pas longtemps, car déjà des districts voisins les camarades commençaient à affluer pour avoir leur part d’un si magnifique butin. Le lotissement des ruisseaux aurifères s’organisait, sous la direction d’un fonctionnaire éminent, le commissaire Ogilvie ; les sondages se multipliaient et chaque jour éclataient de nouveaux cris de victoire. On en retrouve l’écho dans les noms donnés à quelques-uns de ces petits Pactoles : c’est la Bonanza et l’Eldorado, c’est l’Eureka, c’est le Nugget (la pépite), c’est le Gold Bottom (le fond d’or), c’est le Coarse Gold (l’or brut) et le Pure Gold (l’or pur), c’est l’All Gold (tout or) et le Too Much Gold (trop d’or) ! Il se glisse partout des cadets de Gascogne, même parmi les Yankees de l’Alaska, et l’on a bien ri, là-bas où l’on ne rit guère, de ce Too Much Gold, dont le parrain se plaignait sérieusement d’être obligé de salir son or pour le pouvoir ensuite laver comme les autres. Mais, en dehors de toute hyperbole, le petit réseau du Klondyke s’annonçait dès le principe comme l’un des plus abondans dépôts d’or que la nature ait mis à la disposition des hommes.

Dans la vallée de la Bonanza et dans le vallon de l’Eldorado, qui s’y rattache, le sous-sol est vraiment imprégné d’or. C’est là qu’avaient eu lieu, en 1896, les coups de filet les plus retentis-sans. La Bonanza mesure 41 milles de longueur (66 kilomètres) : partant de la découverte initiale (Discovery), on a découpé en amont 100 lots de 500 pieds chacun (152 mètres) et 123 en aval. Les ruisseaux voisins ont été morcelés de la même façon et chacun des concessionnaires s’est mis à l’œuvre avec ardeur. La prise de possession est trop récente, l’exploitation trop divisée, la teneur du minerai trop inégale pour que l’on puisse avec quelque certitude chiffrer les productions actuelles et diagnostiquer les productions futures. En tout cas, la progression est rapide : peut-être 10 millions de francs en 1896, de 20 à 25 probablement