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L’OR DU KLONDYKE

Michel Chevalier se plaisait à montrer que les mines d’or et d’argent sont pour nous un moindre trésor que les mines de charbon. Même à ne considérer que la valeur intrinsèque des produits, c’est une incontestable vérité, car il sort annuellement du sol des continens pour cinq milliards de houille, ou peu s’en faut, et les métaux précieux ne vont point à moitié de ce chiffre. Mais la convoitise humaine ne s’attarde pas à de tels calculs. Poursuivant la richesse sous toutes ses formes, les hommes la voient surtout dans cet or qui lui sert à la fois démesure et de véhicule ; et partout où sa présence est signalée, on accourt, on se précipite. D’autant que la capture en semble d’abord facile. Au pied des monts où l’or se cache dans la pierre, la roche pulvérisée par l’action séculaire des eaux se trouve répandue à l’état de sables ou de boues, et le premier venu, avec une écuelle et de l’eau, peut isoler les menues paillettes qu’elles recèlent. Qui sait même s’il ne mettra pas tôt ou tard la main sur quelqu’un de ces nids de pépites qui sont les gros lots de ces loteries-là ! De pareilles aubaines sont rares ; mais l’espoir n’en est interdit à personne ; et de là, dans toutes les régions aurifères ou réputées telles des pays neufs, ces essaims de « prospecteurs » en quête d’un filon vierge ; de là surtout, lorsque leur persévérance a été couronnée de succès, ces légions et parfois ces armées de chasseurs d’or qui, de tous les horizons, viennent s’abattre avidement sur le même coin de terre.

Notre siècle a vu de mémorables exemples de ces curées, dont le début a toujours quelque chose de passionné et de brutal, mais où l’ordre ne tarde pas à naître du désordre même et auxquelles la civilisation a dû, en somme, quelques-unes de ses plus fécondes victoires. Il y a juste cinquante ans, c’était la