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tout était déjà prêt ; on laissa du reste circuler les questions d’avance sans se préoccuper aucunement d’assurer la loyauté des épreuves.

Je citerai encore, comme dernier exemple de tentative d’introduction des sciences occidentales dans les concours, les questions relatives à ces sciences posées dans le Tchekiang, il y a un an, aux examens du baccalauréat : « 1° Comment sont fabriquées les chandelles étrangères et quelle supériorité possèdent-elles sur les chandelles chinoises ? — 2° Nommer les principaux ports où touchent les bateaux à vapeur entre le Japon et la Méditerranée. — 3° Parmi les nouvelles sciences et les méthodes étrangères qu’il est question d’introduire en Chine, quelles sont celles auxquelles il convient d’attacher le plus d’importance ? — 4° Faire un essai sur le droit international. »

Ces quelques innovations maladroites ne changent pas le fond de scolastique et de rhétorique des examens chinois. Les thèmes habituels des compositions restent les mêmes ; en voici deux cités par M. Henry Norman[1] : « Confucius a dit : « De quelle majestueuse manière Choun et You n’ont-ils pas régné sur l’Empire, comme si cet Empire n’était rien pour eux ! » — Confucius a dit : « En vérité Yao était un grand souverain ! Combien il était majestueux ! Le ciel seul est grand et seul Yao était digne de lui ! Combien haute était sa vertu ! Le peuple ne pouvait trouver de nom pour la qualifier ! » Voilà ce qu’il fallait développer à grand renfort de fleurs de rhétorique. C’est sur l’étude de livres vieux de vingt siècles, encombrés de paraboles et de maximes quintessenciées, sur lesquels des commentateurs devenus eux-mêmes des classiques discutent à perte de vue ; c’est sur la connaissance d’annales enjolivées, remplies de légendes bizarres que l’on prend au pied de la lettre, que sont choisis les membres de la classe qui gouverne la Chine. Le résultat de cette méthode, c’est qu’on voyait encore en 1897, deux ans après cette guerre avec le Japon qui a mis le Céleste Empire à deux doigts de sa perte, un censeur, c’est-à-dire un des plus hauts fonctionnaires de l’empire, protester dans un rapport à l’empereur contre les concessions regrettables faites aux inventions des barbares occidentaux au risque de troubler le repos des morts. Plutôt que de construire des chemins de fer, concluait-il sérieusement, ne vaudrait-il pas

  1. Polities and Peoples of the Far East ; Londres, Fisher Unwin, 1895.