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nombre, mal connu, s’élève au moins à six ou huit mille, gardes, fonctionnaires variés, et tout le personnel du harem impérial, concubines de divers rangs et eunuques ; les seuls Européens qui y pénètrent sont les membres du corps diplomatique, auxquels l’empereur donne audience au jour de l’an et, depuis fort peu de temps, lors de leur arrivée et de leur départ. Autour de la ville violette, s’étend la ville impériale aux murs peints en rose, entourée elle-même par la ville tartare, qui forme un rectangle de 6 700 mètres sur 5 000 exactement orienté suivant les quatre points cardinaux. Ses gigantesques murailles ont quinze mètres de haut et autant de largeur au sommet ; leurs faces extérieures sont deux forts murs de briques grises, portées par des soubassemens de pierre ; l’intérieur est rempli de terre battue ; le sommet, recouvert de dalles, forme un chemin bordé de hauts parapets crénelés en pierre. Des bastions font saillie vers l’extérieur ; les grands pavillons de briques percés de meurtrières et recouverts de poteries multicolores, sculptées et vernissées, qui couronnent les quatre angles et les portes, et s’élèvent à 99 pieds au-dessus du sol, hauteur maxima qu’on puisse atteindre sans gêner le vol des bons esprits, rendent plus imposant encore ce magnifique rempart qui, au nord, à l’est et à l’ouest, surgit brusquement au milieu de la campagne, car Pékin n’a pas de faubourgs. L’aspect n’en est pas moins impressionnant lorsqu’on se trouve dans les demi-lunes, vastes cependant, qui précèdent les portes, mais qui ont l’apparence de puits, entre les hautes murailles crénelées, surmontées de chaque côté par les massifs pavillons de briques.

Au sud de la ville tartare, des murailles moitié moins hautes entourent le rectangle allongé de la ville chinoise, qui est la partie la plus commerçante de Pékin. La grande rue qui, se dirigeant du nord au sud, la divise en deux parties égales, est, surtout aux abords de la porte Tsieng-Men, par où l’on passe dans la ville tartare, la plus animée de toutes les artères de la ville. Sur la chaussée centrale, pavée de dalles superbes, mais aujourd’hui disjointes, bonnes seulement à produire d’effroyables cahots, recouvertes d’un pied de boue en été et d’une poussière infecte en hiver, circulent pêle-mêle les charrettes chinoises, les chaises à porteurs, dont la couleur varie suivant la dignité de ceux qui s’y trouvent, les chaises à mules, les cavaliers montés sur les poneys mandchous, petits, mais râblés, les infatigables bourricots, le meilleur des moyens de