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des circonstances ; mais en même temps il faut que le roi sache notre opinion : nous nous croyons, M. Dufaure et moi, absolument insuffisans pour les circonstances telles qu’elles nous apparaissent. Nous sommes tout à fait dépassés ; nous vous prions de dire au roi quelle est notre situation, et que, dans l’opinion de M. Dufaure comme dans la mienne, il s’agit pour demain, non d’une émeute, mais d’une révolution. » M. Dufaure ne fit qu’ajouter un mot significatif pour adhérer à la déclaration dont M. Passy me chargeait pour le roi ; et comme je me tournais vers M. Billault : — « Pour moi, monsieur, me dit-il, je ne vois pas les choses autant en noir. Je ne me crois pas dépassé, et je vous prie de dire au roi que je suis tout prêt à aider M. le comte Molé dans son œuvre. » — Je n’ai pas besoin de dire qu’avec l’idée fixe qui s’était emparée de moi, je ne m’attardai pas dans des explications plus complètes : je n’attendis pas le retour de M. Molé, convaincu qu’il trouverait en rentrant chez lui, dans les paroles qui lui seraient redites, la démonstration la plus évidente de la nécessité de prendre immédiatement un parti.

A mon retour aux Tuileries, je trouvai le roi dans son cabinet avec MM. Guizot et Duchâtel, ses deux ministres- démissionnaires du matin, mais qui avaient la charge d’aider encore le roi pour l’expédition des affaires jusqu’à leur remplacement officiel par de nouveaux ministres. Je rendis compte au roi, en leur présence, de ma visite rue du Faubourg-Saint-Honoré ; de l’empressement de M. Billault à devenir ministre, mais en même temps de l’état d’esprit des députés influens de l’opposition sur lesquels M. Molé avait cru pouvoir compter. Je transmis fidèlement au roi les termes mêmes dans lesquels MM. Passy et Dufaure signalaient la gravité si menaçante de la situation, et je n’hésitai pas à m’associer tout haut à leurs sinistres prévisions. Je le dis avec douleur, le roi et surtout les deux ministres taxaient d’exagération ces prévisions d’une impitoyable réalité. La lumière ne devait se faire pour eux qu’à la lueur même de l’incendie qui allait tout dévorer et anéantir quelques heures plus tard. Le ministre de l’intérieur que j’avais en ce moment en face de moi était bien celui qui, trois jours auparavant, quittait avec tant de peine sa partie de whist pour écouter avec indifférence et distraction les prédictions si graves et les avis que lui apportait M. de Rambuteau au nom de M. Séguier, de M. Salis et même d’Arago. Le président du conseil devant qui je parlais était bien celui qui, le même soir, après