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tenir lieu du chauffage alimentaire par le dedans. On pourrait concevoir l’ambition de substituer aux rations de sucre et de graisse une quantité isodyname de charbon de calorifère et de nourrir un homme en chauffant convenablement l’appartement qu’il habite.


V

Dans la réalité, l’aliment a un autre office à remplir que de chauffer le corps ou même de lui fournir de l’énergie. Il ne faut pas oublier que l’organisme exige un apport de matière, en même temps qu’un apport d’énergie. Il a besoin de recevoir une quantité convenable de certains principes déterminés, organiques et minéraux. Ces principes sont évidemment destinés à remplacer les substances emportées dans le circulus de matière, et à reconstituer le matériel organique. On peut donner à ces matériaux le nom d’alimens histogénétiques (réparateurs des tissus) ou d’alimens plastiques.

C’est sous ce point de vue que les anciens envisageaient le rôle de l’alimentation. Hippocrate, Aristote et Galien croyaient à l’existence d’une substance nutritive unique existant dans tous les corps infiniment divers et différens que l’homme et les animaux utilisent pour leur nourriture. Il faut arriver à Lavoisier pour voir naître l’idée d’un rôle dynamogène ou calorifique des alimens ; enfin la vue d’ensemble de ces deux espèces d’attributs et de leur distinction nette est due à J. Liebig qui les désigna sous les noms d’alimens plastiques et d’alimens dynamogènes. Il pensait d’ailleurs qu’une même substance pouvait cumuler les deux attributs ; et tel était, à ses yeux, le cas pour les alimens albuminoïdes, à la fois plastiques et dynamogènes.

Magendie, le premier, en 1836, avait introduit, dans l’interminable liste des alimens, cette première coupe simple en substances protéiques, encore appelées albuminoïdes, azotées, quaternaires, — et substances ternaires. Les matières protéiques sont capables de suffire à l’entretien de la vie. De là l’importance prépondérante qu’il dut attribuer à cet ordre d’alimens. Ces résultats ont été vérifiés depuis. Pflüger (de Bonn) en a donné, il y a peu d’années, une démonstration très convaincante. Il a nourri, fait travailler et finalement engraisser un chien en ne lui donnant pas autre chose que de la viande rigoureusement débarrassée de toute autre matière. La même expérience a montré que l’organisme